Mutinerie au Congo, Chapitre 02

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Ainsi fut fait. Le colonel savait qu'avant longtemps, tous les officiers blancs sauraient ce qui était arrivé aux capitaines Desjoncs et Van Laarens et à leurs femmes, et surtout, à Laurence Desjoncs. Les trois femmes belges, étendues toutes nues sur le sol de la cellule, virent arriver le grouillant défilement d'uniformes de la Force publique, et furent bientôt cernées de toutes parts par la multitude d'érections brun chocolat.

Elles reçurent un interminable déluge de sperme et finirent complètement recouvertes d'un manteau chaud et gluant, des pieds à la tête, qui peu après commença à sécher et durcir en croûtes friables, que les gardes, non sans rigoler, leur ordonnèrent de manger. Ah, que c'était bon de couvrir d'opprobre leurs femmes et leurs filles, et devant eux en plus! Les trois femmes belges n'oublièrent jamais cette âcre odeur de semence africaine, qui hanta leur mémoire olfactive tout le reste de leur vie.

Par cette mesure, le colonel voulait aussi savoir si ses ordres étaient bien obéis. On lui rapporta un unique cas de désobéissance : le sous-lieutenant Banza avait voulu savoir si Laurence était aussi étroite et serrée que Clothilde, et avait violé Laurence de nouveau.

« Ah, ça par exemple! Je n'aurais jamais cru ça, venant de lui! » tonna le colonel dans son bureau, dont le bois était encore tout imprégné du parfum de la secrétaire qu'on y avait violée à répétition.

Le sous-lieutenant Banza fut convoqué sur-le-champ au bureau du colonel, qui lui annonça que sa promotion au grade d'officier était annulée jusqu'à nouvel ordre. Il lui accorda toutefois le grade de sergent-chef, qui lui permettait de conserver ses nouvelles fonctions. Le pauvre sergent Banza n'aura été officier que pendant quelques heures, mais il souriait. Laurence était un peu plus serrée que Clothilde; et quelle puissance d'explosion quand il avait joui dans Laurence! Il allait la revioler à la première occasion.

À présent, le sergent-chef Banza songeait à Anne LeBlanc, la plus jeune fille du capitaine-commandant. Il savait que toutes les femmes et filles d'officiers allaient être violées par la garnison au premier prétexte. Tout le monde n'attendait que ça.

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Le capitaine-commandant Gilles LeBlanc apprit la terrible nouvelle; pauvre Laurence! Pauvre père! Il apprit aussi le viol de Clothilde et de la secrétaire; cela lui fit grand peine, surtout pour Clothilde, qui avait l'âge de ses filles. Mais il banda en songeant à Clothilde, Clothilde avec qui il avait parfois conversé, et qui l'avait beaucoup surpris en lui laissant voir qu'elle était disposée à lui faire une place dans son lit. Penser à Clothilde nue parmi les nègres le faisait bander.

Il décida de ne rien dire à sa femme. Elle avait déjà assez peur comme ça.

Chez les LeBlanc, Anne avait trop peur pour sortir, mais Juliette avait repris ses balades quotidiennes. Elle rendait visite chaque jour à son ancienne prof de musique. Elle adorait ces paisibles après-midi à converser avec mademoiselle Christiaens tandis que Virginie Longin jouait de son piano.

En ce beau jour du 9 juillet 1960, vers une heure de l'après-midi, Juliette était sortie vêtue de sa robe préférée -- une robe d'été à carreaux, sans manches, dont le bleu royal et l'azur sur fond blanc rehaussaient ses pétillants yeux bleus. Voyez son doux visage, sa peau lisse brillant sous le soleil, ses longs cheveux noirs chatoyant sous ce soleil tropical...

Elle marchait, fière, féminine, sachant que sa ceinture portée serrée mettait en évidence ses douces courbes de jeune fille. Elle savait que ses seins étaient aguichants, quoique de taille modeste et sagement voilés sous cette robe bleue et blanche qu'elle portait depuis la fin du lycée.

Juliette savait aussi que ses petits pieds allaient aussi recevoir des regards chargés de désir; elle portait des chaussures plates en cuir souple de style « loafers » qui laissaient voir toutes les chevilles et deviner le blanc satiné de son pied. Aux pieds s'ajoutait le jeune galbe de ses mollets, laissés à découvert par le bas de sa robe, qui s'arrêtait à quelques centimètres sous ses genoux.

Elle avait lu quelque part que beaucoup d'hommes adoraient les pieds des filles, bien qu'elle ne comprît pas du tout pourquoi. En tout cas, l'idée d'une main congolaise lui caressant le pied lui versait une douce ivresse.

Juliette dégageait l'impression d'une jeune femme toute fraîche qui gardait des airs d'adolescente.

Quel crétin que son cornichon de petit-ami! Il restait là-bas à Bruxelles, le nez dans ses livres de latin et négligeait de l'appeler. Elle allait prendre un amant pour l'été et c'était tout ce qu'il méritait. Tant pis pour lui! Il aurait pu s'arranger pour venir la voir un peu; elle aurait trouvé un coin tranquille et lui aurait donné sa virginité. Elle aurait pris sa verge dans sa bouche et bu son sperme. Tant pis! Ce serait un Congolais qui la prendrait!

Tout agitée de ces pensées érotiques, elle marchait d'un pas gracieux dans l'allée bordée de maisons d'officier. Elle poussa l'audace un peu plus loin que d'accoutumée, jusque là où commençaient les baraquements des soldats célibataires, dont quelques-uns étaient assis à fumer près de leur porte.

Lorsqu'elle passa devant trois d'entre eux, elle sentit leurs regards de braise passer sur toute sa personne. Ils ne la sifflaient pas du tout. Règle générale, l'homme congolais savait se tenir; Juliette les trouvait polis et réservés.

Son regard croisa les leur l'espace d'un bref instant. Elle se sentit secouée de trouille, mais follement excitée. Elle fit un très subtil sourire à l'un d'eux, celui qu'elle trouvait le plus beau garçon -- la peau lisse de son visage de nègre lui donnait envie de venir se brûler les doigts à ce contact interdit.

Ses yeux d'azur rencontrèrent les yeux noir réglisse de la jeune recrue, l'espace d'une seconde à couper au couteau. Elle sourit. Le jeune congolais ouvrit grand la bouche d'étonnement; sa cigarette tomba presque de ses lèvres charnues. Jamais aucune fille blanche n'avait flirté avec lui, ni avec aucun de ses camarades.

Les trois soldats la saluèrent d'un hochement de tête, très poliment. Comme elle s'éloignait, elle sentit leurs regards la poursuivre en la balayant tout entière, de ses cheveux moirés jusqu'à ses mollets de fille, en passant par ses hanches, ses fesses aux jolies courbes visibles sous sa robe d'été. Elle savait combien ces bleus rehaussaient la richesse de son teint.

Elle les entendit faire des commentaires en lingala, langue qu'elle comprenait beaucoup mieux que les soldats croyaient. Elle sentit son cœur battre à tout rompre en les entendant dire qu'ils adoreraient la déshabiller et lui explorer le corps de leurs mains, de leurs bouches, avant de la faire jouir très fort dans leurs bras. Ils s'entendaient pour dire que Juliette était sans doute la plus belle jeune femme de Camp Hardy, et que sa sœur était la plus belle jeune fille.

Elle rit sous cape en entendant ça, sans jalousie. « Ha! Ha! Ha! Ha! Si seulement Anne les entendait et comprenait le lingala! Elle en serait toute rouge! »

Les jeunes Congolais n'étaient pas plus mauvais que les garçons blancs, qui eux aussi tenaient des propos lascifs entre eux au sujet des jeunes filles; et elle-même et ses amies faisaient pareil au sujet des garçons lorsqu'elles étaient entre filles.

Venant de ces soldats au visage féroce, ces propos attisèrent l'incendie chez Juliette, qui continuait de marcher, la chatte toute mouillée sous ses vêtements. Elle sentit aussi ses seins se gonfler d'excitation dans son soutien-gorge, tandis qu'elle croisait deux autres soldats et sentait leurs regards s'attarder sur cette partie de sa belle anatomie. Elle se sentit presque défaillir en imaginant comment se serait de se faire caresser et sucer les seins par un Congolais.

Elle sentit ses jambes devenir un peu flageolantes tandis que son imagination la poussait dans des interdits encore plus tabous. Elle s'imaginait avec un amant jeune et beau qui la monterait comme un magnifique étalon avec sa fougue tropicale. Il découvrirait les secrets de son corps, prendrait sa virginité et la rendrait heureuse. Il serait doux et tendre aussi; il la cajolerait doucement après lui avoir fait l'amour. Oh, comme se serait bon de passer ses jambes autour de lui quand il la pilonnerait et lui ferait complètement perdre la boussole! Et puis...

Elle vit son père. Il la foudroyait du regard. Il n'était pas content; pas content du tout. Elle ne l'avait jamais vu aussi en colère. Elle ne comprenait pas; elle se doutait bien qu'il était arrivé quelque chose à Léonie, la femme du colonel, et elle ne sortait jamais passé six heures du soir...

Il la saisit par le coude en serrant fort, la faisant gémir d'une douleur surprise. Gilles LeBlanc ramena sa fille tout droit à la maison. La scène amusa beaucoup les soldats.

Aussitôt arrivé à la maison, Gilles LeBlanc ferma la porte d'un coup sec et invectiva sa fille aînée :

« Juliette, tu ne dois pas sortir comme ça et te pavaner devant les soldats! C'est trop dangereux! Tu t'attires des ennuis, et puis c'est très vulgaire! »

« Papa, j'ai vingt ans et je suis assez grande pour savoir ce que je f... Aaïe! »

Ne la laissant pas finir sa phrase, il l'avait giflée de plein fouet, si fort que la petite femme en tomba par terre.

« Gilles! » cria sa femme.

Gilles resta immobile, atterré par ce qu'il venait de faire. Il regarda Béatrice, puis Juliette. Il avait les larmes au bord des yeux. Jamais il n'avait levé la main sur aucune de ses filles.

Sa fille se leva rageusement, et alla tout droit dans la chambre qu'elle partageait avec Anne, qui était là à écouter ses disques et à lire des livres et des revues. Sous le regard étonné de sa sœur, Juliette fit rapidement ses valises. Elle fit la bise à Anne, lui promit de venir la voir et annonça qu'elle s'en allait loger chez mesdemoiselles Christiaens et Virginie Longin.

« Non! » fit Gilles d'une voix autoritaire. « C'est trop dangereux! Tu ne dois pas sortir, c'est tout! »

Ça lui brisait le cœur de voir sa Juliette le regarder avec autant de colère. Il se rendit subitement compte qu'il risquait d'effrayer ses filles et sa femme s'il n'arrêtait pas de dire que tout était dangereux. Un bref instant, il fut tenté de tout lâcher et de leur raconter ce qui était arrivé aux deux capitaines, à leurs femmes, à la fille Laurence, mais il se ravisa bien vite.

Le mieux était de calmer le jeu et de laisser à Juliette le choix de rester ou non. Après tout, ces deux enseignantes étaient des personnes très bien.

« Je... Je suis désolé, Juliette! Vraiment désolé. Tout est tellement tendu partout. Bon, vas loger chez elles si c'est ce que tu veux... »

Sa fille aînée était trop en colère pour répondre. Lorsqu'elle passa la porte, sa mère voulut désamorcer la tension :

« Juliette, ma chère fille, dis bonjour de ma part à mademoiselle Christiaens et à Virginie. Dis-leur que je vais passer les voir plus tard. »

Juliette ne répondit pas, mais la mère connaissait sa fille.

Une fois Juliette partie, Gilles LeBlanc fondit en larmes dans les bras de sa femme...

« Béatrice, ma chérie, tu n'as aucune idée de ce qui se passe! Aucune idée! On est piégés comme des rats! Il faut foutre le camp... mais c'est impossible... »

Anne vit la scène de sa porte. Jamais elle n'avait vu son père dans un état pareil. Elle eut peur, très peur. Elle retourna dans sa chambre et réécouta son disque préféré en lisant son roman préféré; elle était terrifiée aux larmes et tentait d'oublier. Dans sa tête, elle savait vaguement ce qui pouvait arriver, ce que les soldats pouvaient lui faire, mais c'était tout tassé dans son esprit comme une grosse boule d'angoisse informe, au-delà du mur de l'impensable.

« Gilles, tu es fatigué, » lui dit Béatrice d'un ton apaisant. « Elle va loger chez elles quelques jours seulement. Je connais ma Juliette. Elle va s'ennuyer d'Anne. De moi. Et même de toi! Je mettrais ma main au feu qu'au moment où je parle, elle est au bord des larmes parce qu'elle t'a fait de la peine. Tu vas voir, ça va s'arranger. Elle t'aime. »

Gilles se ressaisit. Il ne fallait pas qu'Anne le voie dans cet état-là. Il alla la voir dans sa chambre et écouta quelques chansons avec elle. La jeune fille finit par se jeter dans les bras de son père.

« Papa... Père... J'ai si peur! » dit-elle en sanglotant. Il lui caressa doucement les cheveux, l'embrassa sur la tête, et resta avec elle jusqu'à ce qu'elle se sente mieux. Ça l'apaisait lui aussi d'être avec elle. Anne était si douce! Elle était tout le portrait de sa mère au même âge.

Demain, il téléphonerait à ses contacts à Bruxelles. Il fallait absolument trouver un moyen de sortir de ce guêpier.

Lorsqu'elle se présenta chez ses anciens professeurs valise à la main, Juliette craignait de ne pas être bien reçue, même si elle avait de quoi payer repas et hébergement et se contenterait de dormir sur le divan.

En fait, Martine Christiaens et Virginie Longin étaient ravies de sa compagnie, d'autant plus qu'elle était à présent enseignante comme elles. Juliette avait étudié les mathématiques et l'histoire. Elles lui firent un coin tranquille dans la salle de séjour et lui mirent un paravent pour son intimité. Aucun problème.

Martine et Virginie avaient dans les vingt-sept ans.

Martine était menue, magnifique dans sa splendeur de petite femme châtaine; son doux visage et ses courbes de jeune fille nourrissaient les fantasmes d'hommes et garçons, blancs ou nègres.

Virginie, blonde, affichait le type de la fille libraire, lunettes sur le nez, gardant ses charmes cachés sous des tenues sobres, mais tout connaisseur savait bien que sa nudité était une splendeur. Nul ne doit sous-estimer les filles à lunettes.

Elles s'entendaient déjà comme larronnes en foire, tenant d'intéressantes conversations... au sujet des hommes.

« Tu es sûre, Juliette? Eh bien, la femme qui fait cela au Congo doit garder ça top-secret! » dit Martine.

« Je sais, » répondit Juliette en soupirant. « Ça ne se fait pas ici, mais à Bruxelles, ça arrive; c'est très rare, mais ça arrive. Je connais une fille qui louait une chambre dans la maison où j'habite; elle s'est envoyée en l'air avec un nègre. Elle m'a affirmé que la baise était absolument incroyable! »

Juliette prononça ces dernières paroles avec une lueur de désir sauvage qui incendiait ses yeux de porcelaine.

« Hé bien, jeune fille, j'ai bien peur que tu doives attendre d'être rentrée en Belgique pour mener ta petite expérience! » répartit Martine.

« Une fille de bonne famille doit savoir garder ses petits secrets! » renchérit Virginie avec un sourire joueur. Elle regardait sa nouvelle pensionnaire avec une étrange intensité animant son regard.

« Je sais, je sais... » soupira Juliette. « Les choses sont très différentes ici, mais c'est injuste! C'est mal d'interdire à des gens de s'aimer juste à cause de la couleur de leur peau. C'est très mal vu en Belgique, mais une femme blanche peut épouser un Africain; la loi ne l'interdit pas comme ici au Congo. Mais bon, je ne veux pas entrer dans les débats politiques; je suis jeune et curieuse, c'est tout. »

« Jeune et curieuse, c'est synonyme, » reprit Virginie. « Hé bien, tout ce que je puis dire, c'est que notre ancienne élève est devenue une femme, et elle fait très bien son chemin. » Elle l'embrassa sur la joue en lui tenant la main comme à une petite sœur.

Puis, Virginie lui murmura quelque chose à l'oreille...

« Martine aimerait beaucoup que tu ailles dormir avec elle cette nuit; elle se sent seule, et elle est trop timide pour te le demander. »

Juliette vit Martine qui la regardait en rougissant. Elle sentit son cœur battre à tout rompre de surprise. Martine!?

Juliette n'avait jamais songé à une rencontre sensuelle avec une autre femme. Elle se sentait cependant curieuse, et puis, le lit serait plus confortable que la causeuse...

Béatrice vint faire son tour vers les trois heures. Elles passèrent une excellente fin d'après-midi. Béatrice regarda sa fille jouer du piano, si gracieuse tandis que ses doigts de fée caressaient les touches; elle remarqua une légère tendance à s'attarder sur les touches d'ébène, qu'elle semblait caresser avec sensualité. Elle fit ce constat sans plaisir. Il n'y avait rien qu'elle redoutait plus que de voir sa Juliette devenir une garce à nègres.

Ce samedi après-midi, 9 juillet, fut l'un de ces moments à la météo idéale où il ne faisait ni trop chaud, ni trop froid, comme c'est habituellement le cas en juillet, le mois le plus frais de l'année congolaise. Les quatre femmes burent du café en dégustant des madeleines.

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Gilles LeBlanc retourna au bureau cet après-midi-là. On rapportait des émeutes et d'autres incidents violents à Léopoldville, à Thysville, à Port Matadi et une nouvelle mutinerie venait d'éclater à Élisabethville. En Belgique, le public exhortait le gouvernement à envoyer plus de soldats au Congo.

Gilles apprit qu'un bataillon de parachutistes était arrivé à Léopoldville et que deux compagnies avaient déjà pris la route pour parcourir les campagnes et démanteler les barrages routiers illégaux installés par des mutins, tandis que le reste du bataillon désarmait les soudards de Léopoldville, ramenant l'ordre dans la capitale. Le flot des réfugiés blancs put recommencer à passer la rivière vers Brazzaville.

D'autres troupes étaient en chemin depuis la Métropole, par le pont aérien desservi jour et nuit par Sabena. Chaque avion quadrimoteur « Super-Constellation » qui avait évacué sa centaine de réfugiés revenait au Congo rempli de troupes armées jusqu'aux dents.

C'était ce que Gilles LeBlanc craignait le plus, mais il le savait, c'était inévitable. Bruxelles ne pouvait pas se permettre d'agir autrement sous peine de commettre un suicide politique. Toutefois, c'était lui et les siens qui risquaient d'en faire les frais. Il fut soudainement pris de sanglots en pensant à ses deux grandes filles.

Il téléphona au général de l'état-major à Léopoldville, lui conseillant vivement d'éviter les effusions de sang. Il ne pouvait pas en dire plus, car il savait son téléphone sur table d'écoute. Tout le monde se méfiait de tout le monde.

Il confirma au général que la situation était calme à Camp Hardy depuis le 7 juillet. Ce dernier l'informa que de nombreux mutins étaient sortis de Camp Hardy et avaient posé des barrages routiers pour piéger les Belges en fuite, ceci s'ajoutant à une pléthore d'actes de violence commis dans les agglomérations.

Des désordres éclataient partout. Chaque fois qu'on éteignait un incendie, deux autres se déclaraient ailleurs. Il fallait plus de troupes belges au Congo; Gilles et son général le savaient sans avoir à le dire sur cette ligne sous écoute. Ils savaient aussi que la protection des ressortissants civils passait avant celle des militaires et de leurs familles. Il faudrait rester à Camp Hardy, sans secours, jusqu'au retour à une sorte de normale.

Avant de raccrocher, le général promit de tout faire pour régler la crise pacifiquement. L'africanisation du corps des officiers était venue trop tard pour calmer les troupes, portées par une colère, un sentiment d'injustice et de frustration, le tout accumulé pendant des décennies sous la surface de l'ordre colonial. Le volcan était entré en éruption et plus rien ne pouvait l'arrêter.

Le dimanche 10 juillet, un détachement de paras belges était intervenu à Élisabethville, où la grande majorité des Blancs avaient réussi à se réfugier dans un édifice constituant une bonne position défensive, mais leur situation était désespérée et il leur fallait des secours. Six bonnes compagnies de parachutistes suffirent à mettre fin à la mutinerie et à rétablir le calme sans tirer un seul coup de feu.

Ailleurs, les événements prirent une tournure plus violente. Des mutins imitèrent ceux de Camp Hardy et quittèrent leurs casernes pour aller mettre à sac des maisons de Blancs, volant des objets précieux et violant les femmes. Des paras belges intervinrent à différents endroits; on échangea des coups de feu et il y eut des pertes, surtout du côté des mutins.

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