Le Confessionnal

Sur le parking de l'église du village, Madame Lodève avait patiemment attendu dans sa voiture garée à l'écart que le défilé se tarisse des pénitentes venues, sous prétexte de confession, faire la connaissance du nouveau curé. La réputation quelque peu sulfureuse de ce dernier avait attiré bon nombre de braves dames soucieuses de démêler le vrai du faux dans les rumeurs qui couraient à son sujet... Lorsque la notairesse lui laissa le champ libre en sortant bonne dernière, elle se glissa dans l'édifice par la petite porte latérale qui donnait sur la ruelle Sainte Marguerite. A l'intérieur, sous les vitraux qui filtraient la lumière du soir, la nef était plongée dans une pénombre propice au recueillement. Au recueillement et à la clandestinité...

« Pourvu qu'il n'ait pas encore regagné la sacristie! » murmura-t-elle à part soi en se hâtant. Effectivement, le prêtre s'apprêtait à quitter le lieu saint lorsqu'il vit arriver cette dernière paroissienne, dont la silhouette, dans l'intimité de cette semi-obscurité, lui sembla des plus attractives. Il la salua en la détaillant d'un regard discret de connaisseur et regagna le confessionnal, cependant que la retardataire s'agenouillait dans l'isoloir.

Elle commença par prononcer la formule rituelle :

« Bénissez-moi mon Père parce que j'ai péché.

-Je vous écoute ma fille, l'encouragea-t-il d'une voix onctueuse.

-Mon Père, j'ai commis l'acte de chair... Sa voix était incertaine.

-En dehors des liens sacrés du mariage? demanda-t-il.

-Oui mon Père...

-Quand, avez-vous fauté depuis votre dernière confession?

C'était là un point qui pouvait s'avérer capital. Un adultère passager n'offrait pas souvent matière à excitation, contrairement à une liaison durablement établie.

La réponse l'ébahit, dépassant toutes ses espérances.

-Samedi dernier mon Père... comme... comme tous les samedis après... après les confessions... quand l'abbé Sorel... en était libéré... et dans la semaine quand... quand il téléphonait et qu'on pouvait...

L'abbé Martineau ne put s'empêcher de sursauter. Après les confessions? Quand il téléphonait? Ainsi ce vieux pervers de Sorel avait trouvé de quoi agrémenter la charge de sa cure!

-Vous voulez dire que l'abbé et vous...?

-C'est-à-dire... avec l'abbé Sorel et...

La gêne de la pénitente était perceptible.

-C'est-à-dire? Parlez, ma fille! Le Seigneur vous écoute!

Elle se racla la gorge.

-Eh bien... c'est que... c'est que l'abbé Sorel avait... ses petits arrangements avec... avec mon fils et moi...

Le prêtre manqua s'étrangler. Il était tombé sur la perle rare!

-Votre... votre fils?

-Oui, mon Père... Avec mon mari à la maison, vous comprenez, ce n'était pas souvent possible... Et ailleurs, on... on ne pouvait pas risquer que... qu'on nous voie... Il y avait bien l'hôtel à G..., mais il suffisait que quelqu'un de connaissance y soit venu pour faire ses courses et nous y voie entrer... Alors c'est mon fils qui a pensé au père Sorel... IL a beau avoir ses vingt ans, il est resté très pieux, vous savez, il continue à servir la messe et ne manquerait un office pour rien au monde, ce qui fait que... comme il connaissait bien l'abbé Sorel...

Le prêtre exultait. Dire qu'il avait craint, quand l'évêché l'avait déplacé dans ce trou perdu pour éviter ce scandale avec la femme du pharmacien de F..., une marie-couche-toi-là qui faisait pourtant les beaux jours de la bourgeoisie locale, de ne pas pouvoir se soulager autrement, de loin en loin, qu'avec les putes du chef-lieu distant de près de quatre-vingt kilomètres... Il venait de trouver sur place cent fois mieux qu'une pute! Une salope incestueuse qui venait s'offrir d'elle-même et avec elle le spectacle de son fils la baisant! Il bandait depuis quelques minutes et retroussa sa soutane sans ambages. Il allait se gêner, tiens!

«Et donc l'abbé vous recevait tous les deux à l'église? poursuivit-il.

-Oh non mon Père! Au presbytère!

-

-Il regardait ton fils t'enfiler?

Le tutoiement instituait entre eux un nouveau rapport.

-C'est-à-dire ...

-C'est-à-dire quoi?

-Eh bien... je... je m'occupais des deux. Ils aimaient... le faire en même temps.

L'abbé n'en pouvait plus. Sa respiration s'était accélérée et, trop excité pour essayer de donner le change, se branlait maintenant ouvertement.

Soulagée, Madame Lodève murmura :

-Je peux venir avec lui samedi après-midi, mon Père? Vous verrez, je fais tout ce qu'on me demande...

L'abbé s'exclama :

-Tu viens avec lui demain matin, salope!

Sous l'obscénité, elle sentit une chaleur envahir son bas-ventre.

-Oui mon Père. Nous viendrons à la messe basse de 7 heures... Il n'y vient jamais que la vieille Héloïse et la veuve Soufflot, et elles rentrent vite chez elles après.

-Toi tu ne vas pas rentrer chez toi tout de suite, salope! Tu relèves ta jupe, tu ôtes ta culotte et tu te branles avec moi! Je veux t'entendre mouiller et jouir quand je giclerai!

-Oui mon père, oh oui mon Père!

La belle madame Lodève ne s'était pas déplacée pour rien...

(à suivre)