Road-X-Trip (FR) Ch. 03

Informations sur Récit
Olga doit jouer de son charme avec un vendeur peu scrupuleux.
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Partie 3 de la série de 3 pièces

Actualisé 01/05/2023
Créé 11/15/2022
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**Disclaimer : Ceci est une œuvre de fiction. Toute ressemblance des personnages avec des personnes réelles, vivantes ou décédées, est une pure coïncidence. L'auteur détient tous les droits exclusifs sur cette oeuvre. La publication sans l'accord de l'auteur de ce travail est strictement défendue.**

CHAPITRE 3 : CONCESSIONS

Jour 1. 11 :00 AM (EDT)

Près d'une heure s'est écoulée depuis notre arrivée sur le continent américain. Le passage à la douane s'est déroulé sans encombre. Tous les papiers sont en règle pour le plus grand soulagement de Richard, qui retenait littéralement sa respiration au guichet. J'ai hâte d'être dans notre camping-car et pouvoir enfin nous détendre.

Nous attendons nos bagages depuis près d'une demi-heure maintenant... Pourquoi est-ce si long? Je commence à m'inquiéter, mais je le garde pour moi. C'est peut-être irrationnel. Ça prend toujours très longtemps, c'est bien connu... Enfin, la première valise se montre sur le tapis roulant. Puis d'autres. J'aperçois l'un de nos sacs et bondis du banc pour m'en emparer. Le deuxième fait son apparition peu de temps après, que Richard attrape à son tour. Nous parvenons à sortir de l'aéroport malgré le méandre de couloirs et de portes qu'est l'aéroport Montréal-Trudeau, puis empruntons un bus qui nous emmène jusqu'au centre-ville. C'est le moment de choisir --à regret-- entre visiter la ville et récupérer le camping-car chez le concessionnaire. Le contre-coup du voyage et la fatigue accumulée sont de bons prétextes à trouver une chambre d'hôtel pour la nuit... Il serait tentant de découvrir Montréal avant de partir pour de bon le lendemain. Mais le décalage horaire, qui nous a renvoyés en début de matinée, joue en faveur d'un autre scénario. Sans compter l'extrême excitation qui nous ronge de découvrir notre nouvelle maison roulante au plus tôt. Et puis, par-dessus tout, nous avons signalé au vendeur notre passage le jour-même.

On profite des quelques heures qui s'offrent à nous pour faire un tour du Vieux-Montréal. J'ai faim car je n'ai rien mangé dans l'avion et je veux à tout prix goûter une poutine avant de quitter le Québec. Richard n'est pas contre, mais il me prévient que je risque d'être déçue... En effet. Je m'attendais à mieux.

Nous déambulons dans un grand parc aux allures de forêt où nous manquons de peu de nous perdre. Un vieil homme souriant et à l'accent profond qui passait par-là nous sauve en nous indiquant la route la plus proche. Et voici l'après-midi bien entamée! Il est temps de se rendre à la boutique du concessionnaire, située en bordure de la ville, dans une zone commerciale un peu déserte. Ne trouvant pas de transports en commun pour s'y rendre, nous appelons un taxi. Peu de temps après, une voiture rouge et blanche se gare devant nous. Un homme trapu et bedonnant, l'air sérieux sous une épaisse moustache, émerge du véhicule.

Nous quittons les rues denses et commerçantes du centre-ville. Peu à peu la voie s'élargit, les petites enseignes laissent place à des hypermarchés ou des stations essences postées au carrefour des grands axes. Dans le centre, l'architecture verticale et le découpage des rues en quadrillage prédominent, mais quelques réminiscences de l'influence européenne subsistent encore dans la plus vieille partie de la ville. À présent, nous plongeons peu à peu dans un univers purement nord-américain. Une chose ne change pas cependant : du centre à la périphérie, résidences, commerces, écoles, hangars, tous sont construits de briques rouges.

-- C'est dingue, toutes ces briques rouges! lancé-je, interloquée. Pourquoi il y en a autant?

-- Tu sais, c'est partout comme ça en Amérique du Nord. À Ottawa, Détroit, Washington... Surtout sur la côte Est en fait, raconte Richard. Ce sont les Anglais qui ont importé la mode de la brique, alors comme ils avaient plein de terre sous la main ici, ils ont tout construit avec!

Je ne l'ai pas mentionné jusqu'à présent : Richard est français et canadien! Ses parents sont originaires de Vancouver. Ils se sont installés en France au début des années 90, peu avant sa naissance. Il a plusieurs fois visité sa famille, mais la côte Ouest de l'Amérique est si éloignée de la France que ces occasions ont été rares. Pour la première fois, Richard va vivre au Canada. Enfin, pas tout de suite. D'ici quelques mois...

Je continue de contempler les constructions couleur ocre qui me fascinent tant. Le taxi nous conduit aux confins de la ville. Nous traversons la Rivière des Prairies et remontons le cours d'eau. Longeons une rue bordée d'arbres et de résidences plutôt friquées. Puis, au détour d'un axe, les habitations disparaissent. La végétation se fait plus rare. Les commerces et les parkings ressurgissent. Le chauffeur tourne bientôt devant un ilot de hangars et de garages automobiles. Il arrête la voiture. Notre destination est atteinte. Je règle la course tandis que Richard sort nos affaires du coffre.

Remontant dans son taxi, l'homme orchestre une marche arrière périlleuse, tant l'état du trottoir est à déplorer. L'automobile tangue dans un sens puis dans l'autre à mesure que chacun des pneus descend la bordure. Toute la carlingue semble vouloir s'effondrer. Nous regardons la scène en silence. Se sentant peut-être observé, le chauffeur tourne la tête vers nous. Il nous dévisage l'espace d'un instant et file sans demander son reste, courbé sur son volant.

Nous échangeons un sourire complice puis constatons le lieu dans lequel le taxi nous a débarqué. Le vieux grillage encerclant le terrain, s'il a pu dissuader quelconque voleur fut un temps, participe désormais tout au mieux au décorum. Sur le portail à moitié ouvert est accroché un insipide panneau floqué de l'inscription « All Seasons RV » en lettres capitales. Première impression : mieux vaut ne pas s'attarder sur la première impression... Nous entrons sur le parking où sont garés quelques vans et camping-cars. Richard s'étonne de les voir en nombre si réduit, constat que je partage avec lui. Nous nous attardons quelques instants, tentant de repérer le modèle que nous avons réservé. En vain. Au moment où nous commençons à nous gratter la tête, une voix s'élève soudain dans notre dos.

-- Allô! J'peux-tu vous aider?

L'homme vient de sortir du bâtiment en tôle grise posté de l'autre côté du terrain. Il s'avance vers nous en agitant exagérément la main au-dessus de lui.

-- Nous avons rendez-vous avec Monsieur Billette? C'est pour acheter un de vos camping-cars, répond Richard, se rapprochant à son tour.

-- Ha sti... Vous êtes les Français! grommèle-t-il, une moue de déplaisir à moitié dissimulée sur son visage.

J'ai l'impression qu'il n'est pas ravi de nous voir débarquer. Je vais bientôt savoir pourquoi... De moyenne taille, la quarantaine bien entamée, Billette se présente à nous emballé dans un costume un peu trop grand pour lui. L'ensemble bleu ciel semble depuis longtemps délavé et sa cravate rouge à rayures blanches mal ajustée jure avec le reste de sa tenue. Cependant, je remarque que ses Richelieux sont parfaitement cirées. Le bonhomme arbore un sourire factice, remonté jusqu'aux oreilles. Au sommet de son crâne en forme de ballon de rugby, comme posé par-dessus, un paquet de cheveux brun laqué et plaqués sur le côté. Les courts poils drus de sa barbe renaissante indiquent qu'il ne s'est pas rasé depuis plusieurs jours.

-- Oui, nous avons discuté par téléphone au sujet de l'un de vos camping-cars. Vous avez accepté de nous mettre de côté un modèle Citroën Challenger... Mais on ne le voit pas ici, continue Richard.

Billette frotte son front dégarni.

-- Aïe... ben calice! cel'là, je l'ai vendu la semaine passée.

Nous écarquillons grand les yeux.

-- Pardon? je m'enquiers.

-- Attendez... Vous aviez convenu au téléphone qu'il nous serait réservé! Et vous l'avez vendu sans même nous prévenir? Richard hausse subitement d'un ton.

-- Voyons donc! Ni moi ni vous autres n'avons rien signé! Je fais c'que je veux avec mes VR calice, répond-il sur la défensive.

-- Bon... Pas besoin de se crêper le chignon, tranché-je, pressentant la dispute arriver. Et Richard perdre son calme. Avez-vous d'autres modèles à nous proposer dans la même gamme de prix?

-- Attendez donc que j'regarde ça.

Billette passe brièvement en revue la poignée de camping-cars garés sur le parking.

-- Alors... Patientez une seconde s'il vous plait, que j'aille chercher la clé d'celui-là, indique-t-il avant de trottiner jusqu'à l'enseigne.

Je ne supporte pas les moments de tension comme celui-ci. Je dois désamorcer cette situation. C'est le début du voyage! Aujourd'hui plus que tout autre jour, je désire que les choses se passent bien, quitte à ce que des concessions soient faites. Dans notre couple, je suis celle qui sait garder mon sang-froid et gérer les situations de stress. Richard est un planificateur mais devant l'imprévu, il perd très vite ses moyens. Je l'enlace et le regarde droit dans les yeux.

-- Mon amour. Ne paniquons pas! Attendons de voir ce qu'il a d'autre à nous proposer. Ensuite on verra bien ce qu'on fait. On a mis un peu d'argent de côté pour les imprévus comme ceux-ci. Si ça ne marche pas, on appelle un taxi. On se trouve une chambre pour la nuit et demain on contacte d'autres concessionnaires. OK?

Richard inspire profondément. Il souhaite comme moi que tout se passe bien. La sérénité dont je fais preuve lui permet de se calmer un peu.

-- Tu as raison. Oui, tu as raison. Ne nous laissons pas abattre pas cet imprévu. Ce n'est sûrement que le premier d'une longue série!

-- Bien dit! murmuré-je, déposant un baiser sur ses lèvres.

Le concessionnaire surgit à nouveau par la petite porte vitrée.

-- Suivez-moi donc. J'va vous faire visiter le Pacific.

Il brandit un trousseau de clé devant lui et s'avance vers un camping-car de moyenne taille, ouvre la porte et nous invite à entrer derrière lui.

-- Voilà, c't'un modèle assez similaire à l'autre. Avec kitchenette équipée d'un four. Icitte vous avez des rangements. Derrière, la salle de douche. Pis' au fond le grand lit. Très lumineux. Voyez', avec des fenêtres à l'arrière et sur les flancs du véhicule. Il faudrait qu'je vérifie là, je crois qu'il a un peu plus de kilomètres au compteur que le Citroën. Faque ça devrait pas être un problème...

J'échange plusieurs regards d'approbation avec Richard. Ce camping-car est mieux encore que celui que nous avions réservé! Pas excessivement, mais dans l'ensemble un peu plus spacieux et confortable. Richard s'enquiert de son prix.

-- Quessé qu'son prix à cel'là? Faudrait pas qu'vous dise de niaiserie. Oh p'tet ben 18 000 piasses, là, baragouine l'homme, se grattant l'oreille. Allons donc vérifier dans la boutique

Et il s'en va, dodelinant nonchalamment vers l'enseigne une fois de plus. Nous, nous rongeons les doigts, en espérant de tout notre être qu'il se soit trompé, car le budget que nous avons fixé pour le camping-car est de 15 000 dollars! Et la somme mise de côté par Richard en cas d'imprévus est loin de couvrir une telle différence. Visiter l'intérieur du camping-car a ravivé notre espoir mais cela pourrait bien être de courte durée. Nous lui emboîtons le pas.

Nous entrons dans le local du concessionnaire. Pièce poussiéreuse et mal éclairée, si petite qu'elle ne peut pas accueillir plus d'une table et quelques chaises. Le long des murs, des étagères croulent sous une multitude de classeurs et de documents en tout genre. Certains sont déposés à même le sol, dans les coins. Une puissante odeur de parfum envahit nos narines. Le genre d'eau de Cologne que l'on pulvérise au-dessus d'effluves désagréables. Le vendeur glisse derrière son bureau et soulève plusieurs piles de papiers. Il maugrée quelques mots. Quelques jurons québécois, si j'en crois mes oreilles. Enfin, il déniche un grand bloc-notes et en feuillète les pages, se penchant de plus en plus bas, comme si cela le rapprochait de ce qu'il recherche.

-- Ben voyons. C'est icitte. So... 18 000 dollars, c'est ça son prix.

Il lève la tête. Voyant nos visages se déconfire, il poursuit.

-- Hé... vous êtes venus de loin là, j'peux vous l'faire à 17 000 piasses. Ça vous conviendrait-tu?

Aucun de nous deux ne sait trop quoi dire. Nous restons là, épaule contre épaule, hébétés. Richard inspire profondément à mon côté. Comme s'il s'apprêtait à reconnaître la défaite. Comme s'il s'apprêtait à plonger sous l'eau. Moi, je ne veux pas m'y résoudre. Il y a certainement quelque chose à faire! Alors une idée fuse dans mon esprit. Avant qu'il ne puisse ouvrir la bouche, j'attrape Richard par le bras.

-- Vous permettez qu'on en discute quelques secondes?

Sans attendre sa réponse, nous sortons devant le local.

-- Richard, j'ai peut-être une solution, mais il faut que tu sois d'accord.

Richard me dévisage, l'air ahuri. Je continue.

-- Il n'acceptera jamais de baisser le prix de 2000 euros... enfin dollars à nouveau. Il nous a déjà fait un prix... Par contre, je pourrais lui proposer d'acheter le camping-car pour 15 000 dollars et en contrepartie, je le récompense d'une petite faveur... Genre, je sais pas... je lui fais une branlette, tu vois. Qu'en penses-tu?

Oui, c'est ça mon idée fulgurante. Qu'est-ce que vous croyez? Contemplant ce pauvre gars apathique, coincé dans un bureau aussi négligé que lui, j'ai raisonnablement conclu qu'une proposition sexuelle ferait son effet. Je n'aurai pas à m'impliquer tant que ça. Une branlette ou tout au plus une pipe fera l'affaire. Richard me regarde, complètement stupéfait. Mais son apparence extérieure ne me trompe pas. Je comprends qu'il est en train de considérer mes mots que je viens de prononcer avec sérieux. En effet, petit à petit, son visage reprend vie. Il plisse les sourcils et penche la tête sur le côté.

-- Tu crois que cela suffirait? se questionne-t-il.

Il est partant! Je savais que cela ne poserait pas de problème. Nous sommes un couple très libre. Tous les deux, nous sommes très ouverts. Nous adorons rencontrer d'autres personnes. Mais nous avons toujours tout fait ensemble cependant. Et jamais quelque chose de cette sorte. S'il est OK pour que je m'occupe de cet homme de la façon qu'il faudra, alors c'est à moi de prendre les choses en main.

-- Tu es sûre d'être OK de faire ça? Tu n'y es pas obligée Olga... Ce n'est pas parce que je suis d'accord que tu dois le faire. Te sens-tu contrainte à le faire? continue-t-il.

Il a raison de me poser ces questions. Je prends un temps pour y réfléchir. Dans un sens, j'ai fait cette proposition parce que nous sommes au pied du mur... c'est vrai. Et ce mec devant qui je vais me mettre à genoux paraît être un con fini. Cependant, nous avons le choix de rebrousser chemin et de trouver un autre concessionnaire. Si je ne veux pas le faire, je n'y suis pas obligée. Mais quelque chose en moi en a envie. Une pulsion intérieure me pousse à profiter des faiblesses de cette homme. Je m'imagine lui procurer du plaisir et cela m'excite.

-- Je ne m'y sens pas obligée, Richard. Je vais le faire parce que j'en ai envie. Allez, viens. Nous n'avons rien à perdre! » dis-je en poussant la porte vitrée.

Richard reste appuyé contre le mur de l'entrée. Je m'avance vers Billette et me penche sur le bureau.

-- Monsieur, nous proposons d'acheter le camping-car pour 15 000 dollars, la somme que nous avions réunie pour l'autre modèle.

Je ne lui laisse pas le temps de rebondir. Je presse encore un peu plus ma poitrine avec mes avant-bras pour faire ressortir mon clivage.

-- Si vous acceptez de faire ce geste, j'aimerais beaucoup vous remercier. Enfin... faire un petit geste à mon tour. Quelque chose qui pourrait vous faire plaisir par exemple.

Je m'exprime lentement, prononçant les mots « geste » et « plaisir » avec une intensité particulière. Billette réalise mes intentions. Je sens en lui une profonde hésitation. Il est sûrement en train de calculer si cela « vaut le coup ». Pourtant l'équation est facile à faire : financièrement, nous y gagnons et il y perd. Mais progressivement, ses yeux se mettent à luire. Je devine les pensées qui traversent son esprit en cet instant. Il me déshabille du regard. Son imagination file à toute vitesse. L'espace de quelques brèves secondes, son esprit est plus vif qu'il ne l'a été depuis des années. S'il s'était laissé dériver quelques instants de plus, sûr que de la bave se serait mis à couler des deux coins de sa bouche. Sa posture me dégoute et m'excite à la fois, mais je tente de garder un air composé. Billette détourne son regard de ma poitrine. Il semble revenir à la réalité. Il balbutie.

-- Euh... Faque... Ben faut voir là. Vous monsieur, ça vous pose pas de problème là?

Je réponds à sa place.

-- Non, non, ça ne lui pose pas de problème!

Richard acquiesce sans un mot.

-- Eh... dans ce cas-là...

Le concessionnaire peu scrupuleux se gratte dans le cou. Il fait mine d'examiner ses documents. Mais je sais que son cerveau projette une image, une et une seule image, à travers son regard embrumé : moi, Olga, accroupie devant lui, lui procurant un plaisir dont il a oublié depuis longtemps la saveur. Il est prêt à être cueilli. Mais toujours muet. J'attends sa réponse, fébrile à l'idée qu'il fasse volte-face.

-- Je veux être seul avec vous, se décide-t-il enfin à dire.

Je hausse les sourcils. Il continue.

-- J'accepte, mais votre petit-ami va attendre sur le parvis de la boutique. C'est-tu clair? C'est-tu OK pour vous-autres?

Cette fois Richard réplique plus vite que moi.

-- Dans ce cas vous pouvez m'ouvrir le camping-car, n'est-ce pas? Que je puisse rentrer nos sacs à l'intérieur, prendre connaissance de la bête.

-- Oh non, non, non. Voyons-donc! 'Allons signer les papiers d'abord. Pis' vous irez vous installer dans votre camper tandis que votre copine s'occupe de moi.

Je me tourne vers Richard, craignant que le ton insolent du vendeur ne provoque sa colère. Signer la vente avant tout autre chose assure qu'il ne nous arnaque pas. C'est bien pour nous. Je souris à Richard. Ça va, il ne semble pas montrer de signe d'impatience. À l'inverse, il me rejoint devant le bureau et s'assied calmement. Je fais de même. Billette fouille dans ses dossiers et sort une plaquette descriptive du camping-car, qu'il nous tend. Il pose devant lui un contrat de vente qu'il commence à remplir, pendant que nous vérifions la fiche technique du véhicule.

-- Comme j'vous l'a déjà dit tantôt, c'est un bon VR. Il a ben roulé mais il en a encore dans le ventre, rassure-t-il.

-- Oui, ça m'a l'air bien, répond Richard en se tournant vers moi. J'acquiesce du regard.

Nous regardons son stylo courir sur le papier. Il coche des cases, tourne la page, griffonne un mot sur une ligne, laisse une moitié de page vide. S'il est expert de quelque chose, c'est certainement du remplissage de contrats de vente.

-- 'Avez le permis pour conduire le RV? demande-t-il sans lever la tête.

-- Oui, tous les deux, » je réponds.

-- Bon...

Il laisse filer quelques secondes. Nous sommes accrochés à ses lèvres. Je décèle dans sa manière d'être qu'il s'est ressaisi. Quelques secondes plus tôt, j'ai pris le dessus. Il s'est senti acculé, confronté à sa misérable existence. Mais je le sens désormais dans le timbre de sa voix : il est en position de force et s'apprête à en abuser.

-- Faque, me reste plus qu'à signer... Pis' ce sera à vous de remplir le reste, là.

Il s'interrompt mais ne semble pas avoir terminé. Enfin, il daigne nous regarder. Ou bien, c'est plutôt Richard qu'il toise.

-- Et si votre copine commençait déjà à me remercier d'la belle offre que j'vous accorde pendant que j'signe.

Mon intuition était juste. Plus encore que de profiter de moi, c'est Richard qu'il souhaite humilier. Un silence pesant s'abat sur la petite salle. Je ne sais quoi dire. Cette fois, Richard garde les nerfs solides. Il réplique d'une voix posée.

MahMan
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