Patricia

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Un bourgeoise, une barre d'immeubles: milieu ostile!
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Patricia venait d'atteindre ses trente cinq ans. Quand elle considérait son itinéraire, elle jugeait que sa vie jusque là avait été heureuse. Une jeunesse estudiantine, des copines un peu dispersées par la vie, un ou deux copains, des flirts courts pour ne pas trop s'attacher, et puis vers dix huit ans le grand amour. Léandre, un grand garçon un peu timide, et même trop timide pour l'aborder de prime abord et lui faire la cour. Heureusement que les copines étaient là qui les avaient poussés un peu l'un vers l'autre. Une soirée un peu trop arrosée et voila un peu d'inhibition qui s'en va et qu'un rapprochement s'opère. Il n'en fallut pas plus pour que ces deux là se retrouvent dans les bras l'un de l'autre.

La suite est fort classique, du flirt on passe à l'amour, de l'amour aux fiançailles, oui, la famille de Léandre est très à cheval sur l'ordre des choses, maman fréquente l'église et papa est cadre dans l'industrie. Dans ces conditions il n'est pas raisonnable de sauter les étapes, les choses doivent être faites dans l'ordre. Il y eut bien une réticence quand les parents de Léandre apprirent que ceux de Patricia étaient divorcés, mais maman pinça les lèvres, serra un peu plus les fesses en tirant sur sa jupe et tout fut dit. Il n'en demeura pas moins qu'elle mit toujours une distance avec ces gens qui vivaient chacun de leur coté dans le péché. Mais bon, quoi qu'il en fut, les fiançailles eurent lieu par une chaude journée de Juin et Patricia se trouva avec une fort belle bague au doigt.

La suite est des plus classique comme je vous l'ai dit. Le mariage une ou deux années plus tard, quand Léandre se trouva assuré de son poste dans la multinationale qui l'employait. Patricia quand à elle, avait suivi un cursus étudiant parallèle à celui de son mari, mais d'un commun accord il fut décidé qu'elle sacrifierait sa vie professionnelle au profit de sa vie familiale. Cela lui convenait parfaitement, car ne se voyait guère s 'investir dans une boite et monter les échelons à force de bassesses ou de coucheries. La vie familiale lui convenait parfaitement.

Dix ans plus tard nous la retrouvons avec deux enfants, deux garçons qu'elle a eue à deux ans d'intervalle et qui ont actuellement neuf et sept ans. Au début de son mariage elle a bien travaillé un peu, histoire d'apporter son écot dans le mariage débutant. Mais Léandre survolait les étapes et d'années en années il avait de plus en plus de responsabilité dans la multinationale, tant et si bien que l'année passée, Patricia décida de rendre définitivement son tablier dans l'administration qui l'employait jusque là à mi temps. L'aisance financière du couple ne justifiait plus du tout ce petit supplément de revenu qu'elle apportait chaque mois. D'ailleurs, la totalité de son salaire passait en achats de cosmétiques et autres séances de massage chez l'esthéticienne du coin.

Et donc Patricia se consacrait à plein temps à ses enfants. A plein temps est d'ailleurs assez inapproprié car une fois qu'elle les avait conduit à l'école elle se retrouvait un peu désœuvrée entre ses quatre murs richement parés de tableaux de prix. Au début elle trouva sa situation confortable, elle invitait volontiers des copines à prendre le thé mais bon, elle n'avait pas le tempérament d'une femme au foyer et cela finit par lui peser.

Elle s'en ouvrit à Léandre, cherchant auprès de son mari une solution qui pourrait leur agréer à tous les deux. Ce fut Léandre qui lui suggéra de se tourner vers le bénévolat. Il fréquentait l'église de la paroisse et le curé lui avait dit qu'il était sans cesse à la recherche de bonnes âmes pour l'aider dans ses œuvres. Patricia voulut en savoir davantage et Léandre organisa une entrevue avec la curé. celui-ci expliqua à Patricia qu'il voulait monter une action dans les quartiers défavorisés en vue d'apporter une aide scolaire aux enfants en difficulté. Il s'agissait d'ados du collège de la ville, souvent en rupture et en échec scolaire. Des ados qui méritaient sans doute beaucoup mieux que le dédain dont-ils étaient les victimes dans leur vie. Patricia demanda à réfléchir, car la tache risquait d'être ardue. Elle n'avait jamais fait d'enseignement, mais le curé qui connaissait son parcours scolaire, se montra persuasif, arguant qu'il avait réellement besoin de ses connaissances pour venir en aide à ces jeunes à la dérive.

Patricia appréhendait néanmoins. Elle pesa le pour et le contre et finit par dire oui, un peu poussé par Léandre qui voyait déjà sa femme prendre de l'importance au sein de la paroisse et devenir bientôt le pilier indispensable, le bras droit de monsieur le curé. Léandre avait un respect solide pour ce curé entreprenant qui n'hésitait pas à aller vers les quartiers démunis pour apporter sa part de miséricorde.

Il insista tellement que Patricia finit par dire oui, dans un mélange d'excitation et d'appréhension. Elle suivit néanmoins monsieur le curé jusqu'à la salle commune un peu délabrée qui servait à tout dans cette barre d'HLM, la cité des Bosquets, repoussée aux confins lointains de la commune. Patricia se montra timide, craintive même, sortir de son environnement privilégié la faisait frissonner. Et la vue des cinq ados devant elle ne contribua pas à la mettre en confiance. Elle faisait face à des mines fermées et rébarbatives, et après que monsieur le curé eut fait les présentations, l'atmosphère ne se détendit pas vraiment.

Le curé expliqua que dorénavant Patricia viendrait deux fois par semaine pour les aider dans leurs devoirs, qu'elle était la aussi pour les aider à comprendre ce qu'ils n'avaient pas compris à l'école. Pour montrer à sa nouvelle protégée comment faire, il se lança dans les devoirs et les explications que les jeunes étaient venus chercher.

Patricia observait les enfants, il y avait quatre garçons et une fille, quatre maghrébins, dont la fille, et un africain, tous entre quatorze et seize ans. Le curé essayait tant bien que mal de leur apporter son savoir, mais Patricia voyait bien qu'elles étaient ses limites. Elle observait l'attitude des élèves, tous étaient avachis sur les méchantes tables un brin délabrées, le nez dans leurs cahier, on sentait l'effort intense qui émanait du groupe. De temps en temps l'un d'eux, levait le nez pour l'observer à la dérobée tandis que le curé s'échinait et suait sans et eau dans ses explications pas toujours très claires. Patricia s'en rendait bien compte, elle pourrait sans trop se forcer faire au moins aussi bien que le curé.

A la fin du cours, le curé lui fit prendre un peu la parole et elle se présenta à la classe. A sa grande surprise les élèves lui posèrent des questions, d'où elle venait, si elle était mariée, si elle avait des enfants, etc. Patricia fut un peu réconfortée par l'intérêt que lui portait le groupe et en tira assez de courage pour revenir vers eux lors de la prochaine séance du surlendemain.

Quand elle repartit dans la voiture du curé, elle n'était pas loin de l'exaltation, persuadée que les choses iraient bien et qu'elle pouvait apporter à ces jeunes de son savoir pour les tirer vers le haut de la société. Le soir même elle raconta à Léandre sa première entrevue avec le groupe en des termes qui firent penser à son mari que décidément, ils avaient pris la bonne direction.

C'est donc pleine d'enthousiasme qu'elle arriva le surlendemain à la salle polyvalente où l'attendait son groupe pour sa première heure de classe. Patricia pour cette première séance s'était habillée sobrement, d'un pantalon et d'un pull tout à fait ordinaires. Quand elle entra dans la salle, les conversations se turent et les regards se tournèrent vers elle. Elle se trouva en face de visages fermés qui la dévisageaient sans sympathie particulière. Elle trouva à la fille, une petite maghrébine un air un peu sournois tant elle la dévisageait à la dérobée. Les garçons lui parurent plus francs mais leurs regards étaient fortement insistants. Leurs yeux la dévisageaient avec une telle insistance qu'elle en fut gênée. Patricia se sentit rougir devant les cinq ados mais elle trouva les ressources nécessaires à les faire assoir et commencer à leur apporter l'aide qu'ils attendaient. Bientôt elle apprit leurs prénoms, le grand noir, de loin le plus fort de la bande se prénommait Abdoul. Il la dépassait d'une bonne tête et on sentait un corps ferme, sans doute du à la pratique régulière de musculation. Les maghrébins étaient plus petits, elle les confondit un peu, entre l'inévitable Mohamed, Aziz, Nourédine et Leila. Patricia ne semblait pas très à l'aise, cependant la séance se passa bien, un peu empruntés au début, le groupe se détendit au fil des minutes et ils finirent par lui poser des questions sur le travail qu'ils étaient en train de faire, tout en glissant de temps en temps une question personnelle:

« Pourquoi tu fais ça pour nous m'dame? »

« Pour vous aider dans votre travail scolaire. »

« ' toute façon y pas de boulot pour nous m'dame. »

« Allons il faut être plus constructif que ça. »

« Constructif! Qu'est-ce tu veux construire? Des HLM? »

Un frisson de rire parcourut l'assistance et Patricia se trouva un peu bête devant ces jeunes, elle rougit.

« Quand tu vas retourner dans ton beau quartier tu vas nous oublier. »

« Mais... je ...pas du tout, et d'ailleurs si je ne vous aimais pas je ne serais pas venu vous aider. »

« Tu nous aimes m'dame? »

« Heu...je ...bien sur » dit elle avec un sourire contraint.

La petite classe pouffa sans trop de retenue et replongea la tête dans ses exercices.

« Pourquoi tu nous aimes m'dame? »

C'est le petit Aziz qui avait posé la question.

« Hé bien je ...je veux que vous réussissiez dans la vie. »

« Réussir quoi m'dame? »

« Réussir votre vie, avoir du travail, trouver une femme, fonder une famille. »

« Tout ça, tout ça! »

C'est Abdoul qui au fond de la classe faisait cette remarque entre moquerie et dérision. Patricia s'en trouva un instant déstabilisée. Etait il possible que des enfants si jeunes soient déjà si conscients que leur futur ne serait pas rose? Était il possible qu'ils soient à ce point lucide?

« T'casse pas la tête m'dame. »

C'était Abdoul encore. Patricia ouvrit la bouche pour lui répondre mais Abdoul prit les devant.

« On sait bien que notre avenir est tout pourri. Regarde comment tu es fringuée, jamais on trouvera une femme comme toi, et si on en trouve une, jamais elle voudra de nous. »

Patricia rougit encore, elle pensa soudain au jeans de marque qu'elle avait mis et le corsage couteux qu'elle avait dissimulé sous sa veste.

« Mais non, mais non. » voulut elle protester.

Abdoul s'était levé et venait vers elle en la regardant dans les yeux.

« Regarde! Tu vois comment t'es fringuée? Jamais aucune femme dans la cité ne pourra se fringuer comme toi! Rien que ton pantalon il vaut des thunes, et puis ton truc la, il montrait le chemisier, ouais, ton truc la c'est pareil. »

Il était maintenant devant elle, presque à la toucher et Patricia sentait l'odeur forte qui émanait du garçon, une odeur entre le fauve et la crasse. Elle frissonna, se sentit soudain en danger et commença à trembler. Abdoul souriait en la regardant, il n'était pas dupe, il savait qu'il l'impressionnait et il voulu pousser son avantage.

« Et puis ce qu'y a dessous, ça doit aussi valoir des pions! Tu nous montres m'dame? »

Les ricanements qui accueillirent la proposition finit de désarçonner Patricia. Elle recula contre le mur, tremblante et apeurée. Abdoul souriait, il hocha la tête et recula, puis retourna s'assoir.

« Rassure toi m'dame, je te ferai rien, je veux juste dire que toi et moi on est pas du même monde. »

Patricia se sentait les jambes flageolantes et il lui fallut un certains temps pour retrouver une contenance et la force suffisante pour continuer le cours.

En fin de compte tout alla bien jusqu'à la fin et Patricia remit rapidement ses affaires en ordre avant de se diriger vers la sortie. Elle se retrouva devant le parking non éclairé. Il lui fallut un certain temps pour que sa vue s'habitue au noir d'encre.

« Rassure toi m'dame, on va te reconduire à ta voiture. »

Patricia sursauta, elle faillit même pousser un cri mais en fin de compte ce fut une plainte qui sortit de sa gorge. Le grand black se trouvait près d'elle, elle en distingua la peau luisante malgré l'obscurité. Bientôt elle sentit deux mains qui la prenait par le bras et l'entrainait dans le noir. Par peur du ridicule elle ne dit rien mais sa peur était bien réelle. Elle essaya de se remémorer la disposition des lieux quand soudain la silhouette de sa voiture apparut. Elle s'empressa d'ouvrir la porte et se précipita à l'intérieur. Avant de refermer la porte, elle eut le temps de voir à la lumière du plafonnier, les faces plus ou moins ironiques de trois des garçons qui l'avaient accompagnée.

Elle démarra.

« Bon c'est pas tout les mecs, y a du taf. » Abdoul avait parlé.

« Aziz, tu vas avec Momo chez lui chercher le matos, moi je vais avec Nourédine voir les clients et les faire patienter, magnez vous le cul avant les flics. »

Les gamins disparurent dans le noir et Abdoul appela Nourédine. Quand la silhouette furtive se glissa près de lui, il lui demanda:

« Qu'est-ce tu penses de tout ça? »

« De quoi répondit l'autre? »

« Bin...la prof. Tout ça? »

« Tu comptes t'occuper d'elle? »

« Et comment! »

« Fais gaffe mec »

« Pourquoi? »

« C't'une bourge, j'veux pas d'embrouilles dans la cité. »

Un sourire traversa la figure d'Abdoul.

« T'en aura pas mec! »

Le soir même Patricia se remémora avec une certaine frayeur rétrospective son aventure dans la nuit des Bosquets. En même temps, elle s'en voulut d'avoir été aussi susceptible et facilement émotive. Son trouble et son indécision l'énervait. Elle pouvait tout lâcher, aller voir le curé, lui expliquer que finalement c'était pas son truc. Mais la culpabilité la rongeait déjà, rien qu'à l'évocation d'une reculade. Elle chercha des arguments positifs, elle en trouva. A l'analyse, cette séance ne s'était pas si mal passé. Il fallait qu'elle les comprenne ses gosses et demain elle rectifierait les tir, plus de fringues hors de prix, des trucs simples et passe partout. Il ne fallait surtout pas de provocation et tout irait bien. Elle réussi à se persuader et trouva enfin le sommeil.

Quand elle se présenta le lendemain dans la cité, elle avait mis le vieux jeans qui lui servait au jardinage, un vieux pull un peu informe d'avoir été trop porté et un imperméable qui la couvrait presque jusqu'au pieds.

Effectivement, son cour se passa sans souci, ses cinq jeunes étaient la, attentifs, voir même studieux et Patricia se dit que cette fois elle avait tout bon.

Elle annonça la fin du cour et rangea ses affaires. Elle nota juste que Abdoul dans le fond avait sorti de sa poche ce qui ressemblait à une cigarette et l'avait allumée. Des volutes montèrent vers le plafond, Patricia n'y prêta pas attention. Quand elle se retrouva sur le seuil de la salle, avant de se lancer dans le noir comme l'avant-veille, elle sentit la présence d'un des garçons.

« Partez pas comme ça m'dame! »

Patricia sursauta en se tournant vers celui qui l'interpellait ainsi. Abdoul la regardait, un large sourire aux lèvres.

« Tenez, vous allez tirer une taff avant de partir. »

Patricia considéra la cigarette qu'Abdoul lui tendait, elle se rendit alors compte que c'était un joint. Elle secoua la tête de gauche à droite sans pouvoir ouvrir la bouche. Abdoul la considérait avec bienveillance, toujours souriant il tendait toujours le joint vers elle.

« Allons m'dame, juste une petite taff avant la route. »

Patricia une fois encore était partagée. Si elle refusait cela pouvait mal tourner, et puis, que risquait elle à tirer juste une fois sur le pétard que l'autre lui tendait.

En tremblant, elle avança la main et prit le joint entre les doigts. Patricia n'avait jamais fumé auparavant et le geste était loin d'être naturel pour elle. Toujours tremblante, elle le porta à ses lèvres et aspira doucement. La fumée acre lui envahit la bouche et la gorge, provoquant une quinte de toux. La fumée lui sortit de la bouche et du nez, ce gout acre lui piquait la gorge.

Abdoul la regardait, toujours souriant. Il attendit qu'elle reprenne son contrôle mais elle trébucha et dut s'appuyer au mur. Sa tête se mit à tourner comme une toupie. Patricia ferma les yeux pour échapper au manège fou.

« Ca va m'dame? » entendit elle. Le questionnement avait quelque chose d'ironique.

« On va vous conduire à votre voiture. »

Elle sentit deux mains se saisir de ses bras et la tenir fermement. Elle se laissa conduire, mais arrivé à sa voiture, elle voulut fouiller son sac à main à la recherche de ses clés? La tête complètement en vrille, elle n'y arrivait pas, s'énervant à chercher ses clés. Mais sa main tremblait de trop, elle s'énervait et perdait le contrôle quand une main lui ôta son sac. C'était Aziz le petit crépu qui le lui avait subtilisé. Elle vit les doigts de Aziz plonger dans ses affaires, se saisir tour à tour de son porte monnaie, son chéquier, son poudrier et son bâton de rouge à lèvres. Sa main fouillait encore et il remonta à la surface un paquet de serviettes hygiéniques. Patricia baissa les yeux quand Aziz lui jeta un regard furtif, puis il reprit sa fouille. Enfin, triomphant, il tendit à Patricia son trousseau de clés. Son sourire barrait toujours son visage dans la nuit. Patricia se hâta de récupérer ses clés et s'engouffra dans sa voiture, mais au moment de mettre le contact, elle se rendit compte que sa tête tournait encore et lui fallut attendre que le manège en sa tête veuille bien s'arrêter. Les garçons la regardaient derrière son volant et elle précipita le mouvement, passant la marche arrière puis la marche avant en faisant craquer la boite et démarra après quelques soubresauts.

« Tu déconnes Abdoul » souffla Aziz.

« Et pourquoi je déconne? »

« T'aurais pas du lui donner ton chit comme ça sans prévenir»

« T'occupe, elle va y prendre gout! » Et il partit d'un rire gras dans le néant de la nuit.

Patricia eut un mal de chien pour revenir chez elle. Après le tournis, sa tête sembla revenir à la normale mais bientôt elle sentit bien que les choses n'étaient pas normales, tout semblait déformé, tout flottait sur une mer invisible. Consciente du danger, Patricia dut s'arrêter le long d'un trottoir. Elle ouvrit sa vitre en grand et inspira de grandes goulées d'air frais. Elle ferma les yeux et quand elle les rouvrit, la mer semblait s'être un peu calmé. Elle resta encore la, l'imperméable serré autour d'elle pour braver le froid et quand elle retrouva toute sa lucidité, elle redémarra pour gagner sa maison.

Elle fit de son mieux pour dissimuler à son mari et ses enfants son état un peu comateux, prétextant de la fatigue, elle se coucha tôt et plongea dans un sommeil agité de cauchemars.

Le lendemain elle resta chez elle cloitrée, encore abasourdie qu'elle ait eu l'audace de porter à ses lèvres un pétard. Elle se demanda si elle n'avait pas perdu conscience et au prix d'un grand effort, elle se remémora entièrement ce début de soirée jusqu'à son retour au bercail. a force d'effort de mémoire, elle arriva à la conclusion qu'à aucun moment elle n'avait perdu le fil de sa conscience. Elle en fut soulagée. Cependant, elle n'en revenait pas qu'elle avait osé tirer sur ce joint, mais en avait elle eu le choix?

C'est la question qui la taraudait encore quand le lendemain elle reprit la route des bosquets.

En arrivant, elle prit soin de garer sa voiture de façon à s'éviter des manœuvres pour le départ et elle se rendit à la salle polyvalente. Les cinq étaient la à l'attendre. Quand elle entra, des yeux curieux la détaillèrent, ceux des garçons, car Leila n'avait pas assisté à l'incident l'avant veille. Les garçons la regardaient sournoisement, Abdoul seul, feignait une profonde indifférence.

Ils se mirent au travail et rien ne vint troubler cette heure où ils firent sagement leurs devoirs.

Jipai
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