Le Boucher

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Une touriste est enlevée par un monstre, l'horreur commence.
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La décapotable filait dans l'air dense et lourd de cette fin d'août, à travers les denses forêts de pins de l'Est.

Sa robe de flanelle rouge battait dans le vent, qui ne faisait rien pour empêcher la sueur de la lui coller à la peau, mais cela restait somme toute agréable, son mari lui jetant de temps à autre un regard plus qu'appuyé, regardant sa silhouette svelte et souple épouser le tissu, et ses seins amples et généreux poindre au travers du tissu léger et fin.

Deborah ne connaissait pas du tout ce pays, mais Jim en était positivement amoureux, et cet enthousiasme avait transpiré dans leur escapade, et si les trois dernières nuits passés dans les pittoresques hôtels de la région prouvaient quoi que ce soit, il n'y avait pas que le romantisme qui était revenu en force dans leur relation.

L'air embaumait la résine, que l'humidité de l'air imprégnait au tissu de sa robe.

Une riche odeur d'humus, de forêt prospère, respirant sous la caresse du soleil, moins forte mais toute aussi enivrante l'accompagnait, apportant dans la touffeur estivale une note de fraîcheur un peu macabre, celle des caveau fraîchement ouverts, mais bienvenue.

Puis, d'après Freud, Eros et Thanatos marchent main dans la main.

Penser à la mort en pensant si fort au sexe n'était pas totalement dénué de sens.

D'autant que l'un comme l'autre n'étaient plus tout jeune. Si elle comptait bien c'était leurs noces de bronze.

Elle approchait de cinquante ans, et lui était plus près de soixante qu'il aurait voulu l'admettre.

Mais cet air riche, et le romantisme des châteaux et villages des environs, et surtout leur délicieux vin, leur rendait la vigueur de leur jeunes années.

Pas tout à fait leurs vingts ans, mais presque.

Et ils étaient tous les deux bien plus expérimentés et difficiles à satisfaires que dans leur jeunesse, et pourtant, ces derniers jours...

Mais c'est une toute autre faim qui demandait à être satisfaite à cet instant.

Il était bien plus de midi, même si ni l'un ni l'autre ne prêtait réellement attention à l'heure qu'il était durant ces vacances.

Ce matin ils s'étaieint levés tôt cependant, avaient déjeuné léger sur les coups de six heures, avant d'aller faire une ballade qui s'était finie en sieste crapuleuse tard dans la matinée.

Ils avaient tous les deux l'estomac dans les talons, et si ce n'avait été pour le hurlement du vent autour de l'habitacle, et le rugissement du moteur de la Porsche de location, on aurait certainement entendu des gargouillements insistants provenant de leurs estomacs respectifs.

Jim se pencha vers elle, main gauche sur le volant, sa main droite ornée de son anneau du superball ensserant sa cuisse alors qu'il ouvrait la bouche pour lui parler, lui jetant des coups d'oeils moins furtifs et plus appuyés, sans pour autant lâcher la route des yeux.

"J'ai envit de charcuterie" lui dit-il, mi-hurlant, mi confident.

Elle sourit, ce qui lui plissa les yeux, accentuant un peut ses rides de la patte d'oie, détail qu'il déclarait toujours charmant de manière univoque, mais qu'elle commençait à trouver agaçant.

"Ogre, mais j'avouerais que m'arrêter pour casser la croûte ne me déplairait pas. Un Pique-nique par ce temps serait une bonne idée."

Jim haussa les sourcils de manière équivoque, et d'une voix de loup de dessin animé embraya.

"Y'a pas que la croûte que je compte casser, et à la casserole c'est toi qui va y passer."

Elle rit, et fît mine de le frapper.

Retirant sa main de sa cuisse pour la remettre sur le volant, sans pour autant relever tout à fait la tête il ajouta.

"J'ai envit de charcuterie."

Deborah sourcilla, puis haussa les épaules, alors que Jim se réinstallais tout à fait au volant du coupé.

Alors que la route défilait autour d'eux, et qu'il s'esquintais les yeux à repérer une pancarte indiquant un village, elle le détailla.

C'était incroyable qu'à son âge, avait la quantité de cochonneries qu'il ingurgitait, qu'il garde un physique aussi avenant et athlétique.

Ses cheveux coupés en brosse comme à l'époque ou il avait fait son service militaire, bien que tout à fait argentés désormais, alors qu'ils étaient encore poivre et sels il n'y avait pas si longtemps, restaient épais et touffus, sans aucun indice d'éclaircissement.

Si une bedaine commençait à s'installer, et ses muscles à s'affaisser un peu, c'était encore ferme dans l'ensemble.

Sa carrure d'ancien footbaleur tenait bon.

Tout l'exercice qu'ils avaient pris depuis deux semaines, dans et hors des hôtels, avait dû aider, mais la décrépitude de l'âge prenait juste son temps avec Jim.

Et avec elle aussi, heureusement.

C'était déjà ça.

Elle sourit pour elle même, et délicatement passa la main sur sa cuisse.

Il sourit en retour, puis soudainement tourna la tête ayant aperçu un panneau.

"Haha! Ferront, trois kilomètres! Voyons voir les spécialités locales."

Ils parcoururent la distance rapidement, étant donné l'habitude qu'elle trouvait autrefois légèrement excitante, maintenant franchement inquiétante, de son mari à considérer les limitations de vitesse tout au plus comme des suggestions aimables.

De nombreuses disputes découlaient de cette habitude, et d'autres, mais l'humeur actuelle n'était pas à le lui faire remarquer.

Se sentant jeune à nouveau, l'excitation revenait un peu.

Puis la destination vallait le voyage.

Le village était pittoresque.

Construit un peu au hasard à ce qu'il semblait à sa sensibilité toute américaine, c'était un méli-mélo d'architectures et d'époques qui lui semblaient tout bonnement impossible à envisager.

L'entrée du village ouvrait abruptement la forêt, comme une blessure ouverte, s'élargissant rapidement pour former une assez importante vallée déboisée, ou semblaient s'accrocher ça et là les bâtisses constituant la modeste agglomération.

Des champs minuscules, plus décoratifs qu'utilitaires à son idée, préparaient la perspective, qui s'ouvrait immédiatement sur une boutique à l'enseigne écarlate, doublée d'une pancarte posée sur le bas-côté de la route annonçant l'activité avec la couleur: un boucher.

Dérrière, dans un délire incroyable d'urbaniste, un manoir de pierre vieux de plusieurs siècles, puis, en succession rapide, une série d'immeubles ouvriers presque aussi anciens, un transformateur électrique hors d'âge, et une scierie qui, au bruit comme à l'odeur, était encore en activité.

Une usine dans les hauteur, coiffée d'une cheminée crachant de la fumée, dénotait une même activitée.

En face la boucherie, de l'autre côté d'une route remarquablement large pour une route de campagne, une école, une église et une poste, toutes barricadées.

L'effet était aussi bigaré que bizarre, le village construit à flanc de montagne s'offrant à la vue presque d'un seul coup d'oeil, acceuillant et charmant.

Mais quelque-chose de froid et indéfinissable planait dans l'air, et cela avait à voir avec ces fenêtres bouchées de planches.

Deborah tiqua mais ne releva pas.

Ils passaient de si bonnes vacances, s'inquiéter de détails ne valait rien.

Voyant l'enseigne rouge sang, comme un fanion répondant en signaux aux envies de son estomac, Jim décélerra rapidement et mis au point mort devant la pancarte, sur le bas côté.

Le silence soudain du vent et du moteur, renforcèrent le vacarme de la scierie, et révéla au couple le chant lointain d'un torrent.

L'air ici était moins lourd, rafraîchit tout à la fois par le court d'eau issu de la fonte des neiges, le couvert des arbres cernant la bourgade comme une armée d'ents, et l'ombre portée de la montagne, qui donnait à ce début d'après-midi des aspects de milieu de soirée.

Le sentiment de malaise de Deborah s'accrut, mais la soudaine irruption de son estomac sur la scène musicale locale l'interrompit dans ses pensées.

Jim s'esclaffa.

"J'ai eu une riche idée de m'arrêter!"

Effectivement, la faim dissipait rapidement son malaise, et commençait à l'habiter tout entière.

Elle allait rajouter quelque-chose d'humoristique à cet effet, commençant même une phrase

"Jim, je..." avant de se couper soudainement, et retrouver la sensation décuplée quand ses yeux rencontrèrent la photo qui ornait la pancarte.

"Qu'est-ce qu'il y a Debbie, accouche."

Jim la regardait avec circonspection, avant de tourner le regard dans la même direction qu'elle en soufflant.

Il avait toujours eu peut de patience pour ce qu'il persistait à appeler ses vapeurs de femme ménopausée, mais sa respiration à lui aussi s'arrêta net en rencontrant l'image l'affiche du commerçant.

Cela rassura un peu Deborah qui lui attrapa la main.

Il répondit en serrant rapidement et distraitement, avant d'inhaler un grand coup et de se redresser en s'appuyant sur le volant pour sortir du véhicule.

"A ben ça alors, c'est pittoresque pour sûr!"

Elle pensa que ce n'était clairement pas le mot.

Sous la clareté crépusculaire, presque infernale de cette valée, ce n'était vraiment pas le mot.

Glauque peut-être. Dégoûtant certainement. Mais pittoresque? Sûrement pas.

Ce qui devait être une photographie du propriétaire de la boutique occupait bien à elle seule un bon quart de l'espace publicitaire offerte par la pancarte.

Il s'agissait d'un être aux traits épais et porcins, les joues larges et les pomettes tellement saillantes qu'elles en apparaissaient coupantes, au sourire à la fois bonhomme et carnassier.

Bonhomme parce qu'il exhudait des yeux et de l'expression dans le visage une joie pure, presque enfantine dans l'intensité de son déploiement.

Carnassier parce que l'absence de lèvres, les narines minuscules, et les dents qu'on jurerait taillés en pointes, presque des crocs, le rendait animal, saurien.

Les lunettes en verre épais, deux culs de bouteille raccroché à de minuscules oreilles pointues et tombantes, évoquant tout aussi fortement le porc que le muffle de son propriétaire, et le calot de papier propre à sa profession sur son crâne luisant ne faisaient rien pour adoucir son visage, ni diminuer le contraste entre son expression et ses traits.

Puis son tablier qu'on devinait à peine sur l'image, la photo étant coupée comme un portait pris au buste, recouvrait un torse qui semblait disproportionné par rapport à la tête, comiquement, dantesquement disproportionné.

C'était grotesque, presque insultant.

Peut-être était-ce là ce que Jim trouvait de pittoresque à l'image, mais Deborah frissona pour de bon, un pur frisson d'horreur et de malaise, qui lui donna la chair de poule malgré les 38 degrées centigrades au thermomètre du coupé.

Elle tenta d'en faire part à son mari, et ces derniers jours du moins, amant.

"Jim, je n'aime pas son air."

Il la regarda, et la voyant, son sourire de collégien riant d'une bonne plaisanterie s'effaça.

Ce n'était pas le plus attentionné des hommes, et cela n'avait jamais été le meilleur mari, mais il l'avait rarement forcé à quoi que ce soit qu'elle n'aimait ou ne voulait pas faire.

Il pris un air concerné, et lui dit.

"Si tu ne veut pas venir, ferme la voiture et met l'air conditionnée. Je vais chercher de quoi faire ce pique-nique, et ce serait bête que la viande se perde. Ensuite on trouvera un petit coin sympa pour se mettre bien. Okay babe?"

Il se pencha vers elle et esquissa un geste de tendresse comme il n'y en avait eu que rarement dans leur mariage ces dernières années, mais qui revenaient très fort à la mode ces derniers temps, dieu soit loué.

Elle attrapa sa main tendu pour une caresse sur sa joue, et y précipita son visage presque à s'y faire mal, tout en serrant avec force et empressement son bras encore ferme et musclé de ses doigts fins et encore pas trop parcheminés par l'âge.

La surprise se dépeignit sur ses traits.

Mais avant qu'il ai pu faire et dire quoi que ce soit, le regain de courage qu'elle avait puisé dans cet épanchement, sans la faire changer d'avis, lui donna la force d'approuver son mari.

Elle piqua d'un baiser sa chevalière, comme elle l'avait fait parfois dans leurs jeux érotiques, ce qui éveilla immédiatement une lueur dans les yeux de Jim qu'elle fût ravie d'y trouver, puis le lâcha aussi soudainement qu'elle l'avait attrapé.

"C'est un bon plan Boss, ta cheerleader t'attend sur la touche."

Il sourit, et se tourna pour marcher d'une démarche conquérante vers la boutique, roulant exprès des hanches parce qu'il savait qu'elle le dévorerait des yeux.

Ce n'était pas seulement avec désir qu'elle le contempla, c'était même l'un des sentiments les moins puissant qui l'habitait en le contemplant de la sorte.

Non, elle se sentait prise de panique, mais par dessus tout une forme prémonitoire de mélancolie, comme si elle savait d'avance que cet instant serait important, unique.

Elle grava son attitude crâne, si caractéristique de sa personnalité dans sa mémoire, comme elle y avait gravé son visage quelques instants plus tôt.

C'était la dernière fois qu'elle le voyait en vie, et quelque part au fond d'elle, elle le savait.

Elle commença à l'attendre dans le coupé, angoissée et nerveuse, des scénarios ridicules et échevelés pleins la tête, la climatisation réglée à fond, séchant la sueur sur sa peau, et durcissant ses tétons comme des pointes de couteau sous sa robe.

Plus le temps passait, plus les divagations de son esprit devenaient extrêmes et incohérantes, mais plus la certitude que quelque-chose d'affreux, de vraiment terrible était arrivé à son mari, s'imposait.

Ce train de pensée l'amenait à considérer son choix d'accoutrement de manière de plus en plus critique, se sentant quasi nue, et tout aussi vulnérable, portant cette simple étoffe de tissu rouge, une paire de sandales et ses lunettes de soleil, pour répondre aux désidératas libidineux de son mari en pleine reconquête de sa virilité juvénile.

Elle se sentait mal, dans le sens chrétien du terme, d'avoir aquiescé, pire, participé à ce genre d'activités clairement pècheresses, et entama une prière avant de balbutier dans sa tête, se rendant compte avec effroi qu'elle les avaient toutes oubliées, n'ajoutant que de la honte et de la confusion à son état.

Puis elle réalisa que moins de quinze minutes avait passé, et elle se sentit parfaitement idiote.

Pour peu qu'il y ait un peu la queue au magasin, que le mrchand fût seul, et qu'il faille aller à la réserve, rien d'étonnant à ce que Jim ne soit pas là!

Il allait franchir le seuil dans un instant, et ses rêveries fiévreuses ne seraient plus qu'un mauvais souvenir.

Ce retour ponctuel à la rationnalité la rassénéra assez pour que la fatigue nerveuse de ses excès intellectuels, doublé à sa faim innassouvie ne la rende somnolente.

Après quelques minutes d'attentes supplémentaire, elle s'endormit, juste une sieste, qui s'avéra agitée et peuplés de cauchemars vivaces et sanglants, tels qu'elle n'en avait pas eu depuis son adolescence, lorsqu'elle avait visionné ce film d'épouvante à l'esthétique caniculaire impliquant une tronçonneuse, dont elle ne parvenait jamais à retrouver le nom.

Lorsqu'elle s'éveillat, c'était pour remarquer qu'elle souffrait du froid.

Elle coupa la clim, et remarqua immédiatement que les ombres de la valée avaient tout engloutis.

Paniquée, elle regarda l'heure sur le tableau de bord, persuadée qu'il était déjà minuit passé.

Bien que ce n'était pas un chiffre aussi extravagant, l'affichage numérique ne faisait rien pour l'apaiser.

Il était 16 heures passée, elle avait dormi plus de deux heures, et en tout, Jim était entré dans la boutique depuis presque trois heures.

Les refléxions raisonnables qui l'avait apaisé, apparaissaient comme les plaisanteries ironiques d'un dieu cruel à la lumière des faits en présence.

Elle était mortifiée.

Ses seins lui faisaient mal, et elle frissonait.

L'ombre portée de la montagne avait fait descendre la température extérieure aux alentours de vingts degrées, et dans l'habitacle il faisait presque dix degrées de moins.

Ses mamelons étaient à la fois aussi dur et froid que la pierre.

En les malaxant distraitement pour les réchauffer, elle réflechit distraitement à ce qu'elle devait faire, alors que les scénarios d'horreur affluaient et refluaient dans sa tête, comme une marée de tourment assaillant ses pensées, et parfois y ancrant profondémment un hameçon cuisant et terrifiant.

Malgré la panique pourtant, il fallait déterminer quelles actions entreprendre.

Son mari avait disparu en entrant seul dans cette boutique, or de question d'y entrer seule elle-même.

Maintenant qu'elle y pensait, elle n'avait vu personne y entrer pendant son attente, et personne dans les rues ou sur les trottoirs alors qu'elle réflechissait.

Alors qu'elle devisait, elle remarqua un silence soudain.

La scierie s'était tue.

Curieuse, elle leva le regard, et remarqua une noria de véhicule quitter en file serrée l'établissement, la dépassant sur sa droite pour se perdre rapidement dans la forêt derrière elle, avant qu'elle ai pu penser, et encore moins esquisser un geste pour attirer leur attention.

Elle remarqua que la fumée ne montait plus de l'usine, alors qu'une sonnerie retentissait pour marquer la fin du service.

Des horaires bien inhabituelles pour des activités productives.

L'interruption allait s'effacer de son esprit lorsqu'elle eût un déclic.

Des gens! Il devait y avoir des ouvriers résident ici, et elle allait pouvoir leur demander de l'aide.

Mais il allait falloir sortir de la voiture.

Soudainement, être si près de la boutique la cloua sur place, dans un malaise viscéral.

Elle se sentait clouée sur place, comme un insecte pris au piège dans la toile d'une araignée.

Ce n'est que la vision des ouvriers rentrant chez eux, qu'elle apperçu au bout de la rue, groupés comme des gnous en transhumance se protégeant mutuellement de prédateurs, qu'elle se décidâ à bouger.

Enlevant dans un même geste sa ceinture de sécurité et ouvrant sa portière, elle resta bien de son côté du véhicule, s'éloignant instinctivement de la boutique, mettant toute la latitude de la route à deux voies entre elle et le bâtiment.

Puis, quand elle fût assez avancée dans la rue à son goût, elle héla les ouvriers en faisant de grands gestes amples, soulevant sa robe de manière indécente, mais n'en ayant cure.

"Hé là! Vous! Aidez-moi!"

Malgré la pénombre, elle remarqua un autre détail inhabituel à propos des ouvriers.

Ils ne correspondaient pas du tout au stock régional, aucun d'eux, et semblaient tous appartenir aux migrations maghrébines et subsahariennes plus récentes.

En l'entendant, ils la regardèrent, aparemment apeurés, et pressèrent visiblement le pas, se déversant si vite dans les vieux immeubles ouvriers aux lourdes portes, qu'elle n'eût même pas le temps de parcourir la moitié de la distance la séparant de la plus proche, avant que le dernier n'y soit entré en refermant prestemment la lourde porte derrière lui.

Stupéfaite, elle s'arrêta au milieu de la rue, et resta coîte.

Regardant autour d'elle, elle constata de nouveau le silence, et l'absence de vie.

Aux fenêtres des immeubles, des lumières s'allumèrent, toute à bonne hauteur par rapport au niveau de la rue.

La majorité des bâtisses de la ville demeuraient cependant dans le noir.

Le ciel vermeil sous la clarté sanguine du soleil prématurément couchant de la vallée, pesait sur la scène plus qu'il ne l'éclairait, contrepoint étrange, fantastique, à un spectacle surréaliste, presque absurde.

Elle se précipita violemment contre le premier battant venu, poussant et tirant la poignée, puis, devant la solidité du verrou, frappant celui-ci en hurlant.

"Ouvrez-moi! Pitié, j'ai besoin d'aide! Mon Mari a disparu! Il est entré dans cette drôle de boutique, et je ne l'ai pas vu ressortir! Pitié!"

Devant l'absence de réponse, elle redoubla d'effort, puis, répéta la scène à chaque porte, de chaque immeuble auquel brillait au moins une lumière.

Khadaj
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