Coup d'Envoi Ch. 03

Informations sur Récit
Une première expérience qui en appelle d'autres.
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Partie 3 de la série de 3 pièces

Actualisé 06/09/2023
Créé 10/03/2019
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Le coup de sifflet final retentit.

Des cris s'élevèrent du bord du terrain, complétés par des manifestations de joie simples qui allaient des sourires élargis aux poings fermés tendus vers le ciel, en passant par les « ouf » de soulagement et autres accolades relativement viriles.

Dans un tournoi, la phase à élimination directe est, la plupart du temps, cruelle. L'équipe qui parvient à réaliser un sans-faute remporte le trophée rutilant, et gagne le droit de le soulever, avec une fierté non dissimulée, devant tous les autres sportifs qui s'étaient fixé le même objectif. Bons joueurs, les plusieurs centaines de personnes rassemblées ne manquent pas d'applaudir les plus forts, les plus rusés et parfois même les plus chanceux.

Les mains sur les hanches, Mona essayait de reprendre son souffle, visiblement déçue. Son regard fuyait le monde qui l'entourait, préférant se concentrer sur l'herbe verte et les mottes de terre soulevées ici et là, plutôt que sur les exclamations de l'équipe adverse qualifiée pour la finale.

La défaite avait un sacré goût amer.

Victorieuse en quart de finale contre Eris et ses coéquipières (victoire nette et sans bavure, 0-3), le niveau avait considérablement monté lors de cette rencontre au sommet face aux favorites de la compétition. Pourtant, on ne pouvait pas dire que Mona et le reste de l'équipe avait loupé l'avant-dernière marche. Au contraire, elles s'étaient donné les moyens de gagner en réussissant les phases de transition offensives et défensives, elles avaient beaucoup couru et dépensé une précieuse énergie en tentant de gagner le plus de duels possibles. Leur seul et unique but venait d'ailleurs d'un ballon récupéré au milieu de terrain, envoyé au fond des filets à la suite d'une contre-attaque rondement menée.

Hélas, une faute évitable dans la surface et un poteau rentrant avaient eu raison d'elles. Rien que dans leur comportement, Mona voyait bien que les joueuses adverses n'appartenaient pas à la même catégorie. Le premier but, sur penalty, puait la confiance et la sérénité. Le second, avec cette frappe enroulée depuis le coin gauche des seize mètres, était tout bonnement magnifique.

L'angle parfait.

Mona serra la main des opposantes et se tourna vers le banc de touche où ses coéquipières rassemblaient déjà leurs affaires avec dépit. En retrait, Eris l'observait à l'ombre d'un chêne pédonculé. Son petit geste de la main lui valut un sourire quelque peu forcé qui en disait long sur sa frustration.

Le debrief de fin de rencontre fut concis. Toutes les actrices savaient qu'elles avaient donné le meilleur d'elles-mêmes et le coach les encouragea à garder cette attitude à l'avenir. Chacun se congratula et deux groupes se formèrent : celles qui pouvaient rester plus longtemps se dirigèrent vers le lieu du prochain match programmé, tandis que celles avec des impératifs filèrent se changer.

Marquée par l'effort qu'elle venait de produire, la jeune femme aux cheveux courts retrouva sa petite amie le visage cramoisi et les jambes ankylosées.

— Tu sais ce que je vais te dire, n'est-ce pas?

Eris était toujours admirative devant le talent de Mona, elle espérait que lui rappeler ce fait lui remonterait le moral.

— Je pense, oui...

— Vous avez très bien joué, mais elles étaient plus fortes que vous. Un peu comme notre première rencontre, en fait. Je sais que c'est frustrant, mais vous êtes quand même arrivées en demi-finale! Avec ce que vous avez montré, j'espère vraiment que vous irez au bout la semaine prochaine, parce que vous le méritez!

— Mouais...

Mona vint s'assoir à côté d'Eris, adossée elle aussi contre l'arbre.

— Tu ne m'enlèveras pas de l'esprit qu'on aurait pu gagner. C'est super frustrant de se faire éjecter comme ça, si près du but. On a manqué de lucidité, d'un peu de fraîcheur, de...

Elle s'interrompit lorsqu'elle sentit une petite tape sur son épaule. Le genre de tape indolore multifonction, utilisée par Eris pour, cette fois-ci, manifester sa compassion d'une autre façon et empêcher son interlocutrice de s'embarquer dans un monologue où le thème de la déception occuperait une place centrale. La jeune femme au chignon ne voulait pas que la fin de la journée soit gâchée par cette déconvenue, et lui fit comprendre gentiment.

— Je comprends ce que tu ressens, mais on ne peut pas toujours gagner, même quand on a des ambitions élevées. Au risque de me répéter, vous avez fait un très bon match, c'était particulièrement plaisant à regarder... (sourire en coin) et je suis ravie de connaître la nouvelle pépite du football féminin, qui a encore brillé de mille feux. Elle est d'ailleurs à mes côtés et semble disposée à répondre à quelques questions.

Son ton se transforma pour imiter au mieux celui des journalistes et de la presse régionale. Elle dégota également un micro invisible qu'elle porta d'abord à ses lèvres, puis à celles de Mona après avoir posé une première question.

— D'où tirez-vous toute cette énergie? On vous a vu redoubler d'efforts pendant les temps faibles de votre équipe, et vous paraissez aussi fraîche, aussi affûtée qu'à l'échauffement. Quel est donc votre secret?

Mona adorait ces mises en scène farfelues et jouait le jeu en y mettant beaucoup de conviction. La défaite avait un goût amer, oui, mais elle ne pouvait pas se plaindre éternellement sur son sort. Perdre fait partie du jeu, après tout. Elle se rendit compte que la récente série de victoires avait potentiellement altéré sa perception du résultat, des performances sportives de manière générale. Garder les pieds sur Terre et évacuer les pensées négatives : cela ne lui ferait pas de mal.

La demi-finaliste fit un clin d'œil complice à sa petite amie et fit mine de se recoiffer avec soin. Elle regarda autour d'elle et répondit avec nonchalance, au début tout du moins, à quelques centimètres du bras tendu d'Eris.

— Vous savez... c'est surtout le fruit d'un travail de longue haleine. On se lève tous les jours avec l'envie de bien faire, et on a à cœur de se donner à fond pour nos supporters. Ce n'est pas passé cette fois-ci, mais on va travailler dur, encore et encore, pour atteindre le sommet. Pour nous, mais aussi pour les êtres qui nous sont chers, qui nous tirent sans cesse vers le haut, qui nous font vibrer au quotidien.

— Vous pensez à quelqu'un en particulier?

— Non, pas spécialement. (L'interviewer fit la moue.) Enfin si, mais je ne voudrais pas lui donner entière satisfaction en la nommant dans cet entretien exclusif. Nous ne nous connaissons que depuis peu de temps, mais... j'ai le sentiment qu'elle a changé ma vie. Pour le mieux, cela va sans dire. C'est une jeune femme généreuse, aimante et attentionnée. Si, par le plus grand des hasards, elle m'écoute en ce moment même, je tiens à la remercier une nouvelle fois. Elle m'aide énormément à m'accepter telle que je suis, et cela n'a pas de prix.

— Eh beh, quelle déclaration d'amour, mesdames et messieurs! Nous ne connaissons pas l'identité de cette personne, quel dommage... Cependant, je dois vous avouer face caméra que j'aimerais bien prendre sa place! Vous embrasser aussi, même si mon chef n'approuverait sûrement pas l'initiative.

— Oh, vous savez, un bisou sur la joue, ce n'est pas la fin du monde, hein...

— C'est vrai, allez hop!

Le bisou en question n'avait rien d'anodin. Ce n'était pas une bise timide où l'on effleure farouchement la peau de l'autre pour éviter toute comparaison avec une action relativement intime. Eris adorait sa petite amie et ne pouvait s'empêcher de la combler d'affection, tout en répondant à ses propres pulsions et son désir d'entrer en contact physique avec elle. À défaut de mieux, elle se contenta d'une bise et d'un regard appuyés pour manifester sa reconnaissance.

De tels compliments méritent des remerciements.

— Voulez-vous ajouter autre chose?

— Oui...

Tiens donc?

— J'ai mal au dos.

Mona grimaça en se redressant. La surface de l'arbre contre laquelle elle s'était appuyée n'était pas aussi lisse que l'écorce située derrière Eris. En l'occurrence, il y avait un nœud clairement dessiné qui l'empêchait de s'adosser confortablement contre le tronc du chêne. Eris sauta sur l'occasion et tenta sa chance.

— Aïe, tu dois avoir le dos en vrac. Tu veux venir là?

Le « là » faisait référence à l'espace occupé, quelques instants plus tôt, par ses cuisses. Les jambes écartées, elle proposait tout simplement à Mona de s'assoir devant elle pour que la jeune femme aux cheveux courts s'appuie sur sa poitrine. La demande n'avait rien d'érotique dans son approche ; pourtant, Mona balaya du regard le terrain de foot et les espaces verts à proximité pour s'assurer que personne ne la verrait adopter une posture tendancieuse de son point de vue. La nouvelle relation qu'elles avaient nouée au fil de la semaine était belle et forte, elles se savaient éperdument attirées l'une envers l'autre et irradiaient de bonheur lorsqu'elles partageaient des moments ensemble. S'accordant une confiance quasi absolue, elles sentaient néanmoins qu'il ne fallait pas brusquer les choses et que le long voyage qui les attendait impliquait, ou plutôt nécessitait, une préparation adéquate, à commencer par la formation d'une base solide autour du respect.

Le respect d'autrui et le respect de soi-même.

Chez Eris, cette aventure en terre inconnue ressemblait fortement à une première expérience. Il était impensable d'ignorer ses précédentes rencontres et d'oublier la maturité et les connaissances qu'elle en avait tirées, car elle se savait façonner par ses rencontres et sentait l'influence du passé dans ses actions quotidiennes. Elle se comportait donc en conséquence et apportait inconsciemment de petites retouches à sa personnalité depuis qu'elle s'était approchée de Mona.

Il ne s'agissait pas d'altérer complètement sa façon d'agir et de penser pour plaire à son/sa partenaire, mais de tout faire pour se sentir épanouie, de répondre à ses besoins et à ceux de son ami, pour vivre des moments magiques. Des moments qui vous transportent dans une autre dimension où l'intensité des sens est multipliée. Des moments à la durée variable où l'on s'accroche à la vie sans aucune retenue, où l'on aimerait que les secondes deviennent des heures et que le dictionnaire soit plus fourni pour formuler ses émotions avec justesse et harmonie.

Pour mettre toutes les chances de son côté, il lui fallait accepter et embrasser de nouvelles valeurs. Celles qui la tourmentaient le plus avaient trait à la vision de l'hétérosexualité et de l'homosexualité.

Parce qu'elle se sentait obligée d'appartenir à une des deux catégories, alors que Mona était quelqu'un d'unique qui ne rentrait dans aucune des cases. Ou l'inverse, à vrai dire. La jeune artiste cochait les deux cases et Eris avait les plus grandes peines du monde à l'associer à un sexe spécifique. Elle voyait bien que Mona avait un physique féminin, tant au niveau du visage que de ses formes, de son allure et de sa voix. Même son style vestimentaire et sa coupe de cheveux, qu'elle ne considérait pas comme étant « clairement marqués », penchaient tout de même plus d'un côté que de l'autre.

En d'autres termes, elle faisait un peu garçonne.

Et puis... il y avait le reste. Le plus important. Ce qui pèse le plus dans la balance.

Il y avait ce cerveau, ces neurones, et tous les messages nerveux qui assuraient le bon fonctionnement de l'être vivant. L'organe central qui commandait la jeune femme en tenant compte de ses expériences passées. Sa personnalité et son orientation sexuelle, influencée par ses désirs profonds et ses pulsions. Eris ne savait pas comment la personne, qui venait s'assoir avec précautions entre ses jambes, concevait les choses. Outre l'attirance qu'elle éprouvait, Mona se considérait-elle davantage comme un homme ou comme une femme dans son enveloppe charnelle? Que recherchait-elle réellement chez sa moitié? Quelles caractéristiques la faisaient vibrer de tout son être?

Quel rôle lui convenait? Qu'attendait-elle de sa partenaire actuelle?

Quel organe sexuel choisirait-elle?

Tant de questions auxquelles Eris ne connaissait pas la réponse. Mona, quant à elle, n'était pas plus informée. Telle était la situation en ce samedi après-midi ensoleillé, sous un chêne pédonculé installé à proximité de l'un des cinq terrains en herbe du complexe sportif de la ville de Pairos, située à 32 kilomètres au nord-ouest de Mirano. Deux joueuses de football, n'appartenant pas à la même équipe, se reposaient à l'ombre de l'arbre, l'une adossée contre la poitrine de l'autre, les yeux clos, la respiration paisible, le corps détendu. La première avait choisi, pendant de nombreuses années, d'ignorer les signaux de son corps et ne se connaissait qu'en surface. La seconde, un peu plus à l'aise dans ce secteur, éprouvait tout de même des difficultés pour se situer et exister dans la relation qui les unissait.

On peut dire que c'est mignon, mais on doit surtout dire que c'est le bordel.

— Quelque chose de prévu ce soir?

Mona répondit après un temps d'attente.

— J'ai prévu d'aller au cinéma, j'aimerais bien voir Angles droits/Angles morts avant qu'il ne soit plus joué dans les salles.

— J'en ai entendu parler à la radio. Ça parle de quoi?

— De ce que j'ai compris, on suit un personnage de bande dessinée qui lutte pour ne pas être effacé. Son auteur utilise une encrée enchantée qui anime le contenu des cases, qui leur donne vie pour accroître le réalisme de l'œuvre. Sauf que le protagoniste, après mûre réflexion, ne convient pas au goût du dessinateur, qui va tout faire pour le remplacer par un autre. T'as sans doute dû voir l'affiche, on voit le personnage en question se cacher derrière une zone blanche entre deux bandes, menacé par son créateur en arrière-plan.

— Ah oui, c'est vrai. Je m'en rappelle. C'est un film d'animation, non?

— Ouaip, voilà.

Moment de flottement.

— Et toi alors?

— Hmmm... je vais à une soirée avec des amis d'enfance. Ils sont cool, on s'entend très bien. Ça va être sympa et plutôt calme, j'imagine.

— Est-ce qu'ils savent... pour nous?

— Non. Enfin, pas encore!

Eris souriait intérieurement. Elle poursuivit à moitié sérieuse.

— Mais ne t'inquiète pas, y'en a trois-quatre dans le lot qui sont très perspicaces et qui ne tarderont pas à comprendre. Je leur expliquerai pourquoi j'ai une charmante jeune femme en fond d'écran sur mon téléphone!

Ses bras entouraient chaleureusement Mona, et elle n'eut aucun mal à sentir les muscles de cette dernière se tendre sous l'effet de l'annonce. Sa protégée n'émit aucun son pour manifester un éventuel mécontentement, si bien qu'Eris sentit le doute l'envahir.

— Je ne le ferai pas, ne t'inquiète pas... Ce n'était pas la meilleure de mes blagues, je le concède. Ça va, Mona?

La jeune femme aux yeux verts regardait désormais au loin, sans vraiment fixer de point particulier. Elle avait du mal à exprimer le fin fond de sa pensée.

— Je... je ne sais pas. Je ne vis plus vraiment la même vie qu'avant notre rencontre, et les doutes que j'avais enfouis au fond de moi... j'ai l'impression qu'ils sont de retour, que les peurs du passé me hantent à nouveau. Quand on est seule...

Eris l'enlaça un peu plus fermement pour lui montrer qu'elle ne l'était plus et l'inciter à poursuivre.

— Quand j'étais seule, il y avait des questions embarrassantes auxquelles je ne voulais pas chercher de réponse. Des questions sur mon identité, sur mon corps, sur ce que je devais proposer au monde qui m'entourait. Avec le temps, j'ai fini par ne plus vraiment y prêter attention. Parce que... et je me trompe peut-être en disant cela, mais... dans un sens, elles ne concernaient que moi. Je ne voulais pas inquiéter mes parents davantage pendant mon adolescence... alors qu'ils étaient compréhensifs et ont tout fait pour que je me sente bien dans ma peau. Je les aime énormément, tu sais... Ils sont géniaux. Ils me surprotègent un peu, c'est vrai, mais je leur suis reconnaissante de m'avoir élevée et éduquée avec autant de bienveillance...

Mona marqua un temps d'arrêt, déglutit, puis poursuivit avec une voix encore moins assurée.

— Et malgré toute leur bienveillance, je n'ai jamais vraiment pris le temps de faire le point avec moi-même, d'affronter mes peurs et de me faire une raison. J'ai préféré entrer dans le déni et mettre sous le tapis ce qui me perturbait. C'est... c'est compliqué de ne pas être comme les autres « filles », de ne pas être tout à fait... « normale ». On est particulièrement candide au cours de notre enfance : on se dit que les autres sont plus ou moins gentils, que le monde extérieur ne nous veut pas du mal et qu'on va grandir et profiter de la vie en gagnant toujours plus de libertés, n'est-ce pas? Oui, c'est vrai. Puis l'on s'ouvre au monde, à la culture, aux médias, à l'amour. À la vraie vie quoi. Et de façon assez contradictoire... plus ça allait, plus je me renfermais sur moi-même. Lors des cours de sciences naturelles, je voyais bien que mon corps ne correspondait à aucune des images présentes dans le livre. Ni à l'anatomie d'un homme, ni à l'anatomie d'une femme dans ses moindres détails. C'est à ce moment-là que j'ai fait une croix sur une facette de ma vie. Puisque je ne comprenais pas qui j'étais vraiment et qu'il m'était impensable d'en parler avec qui que ce soit, j'ai progressivement ignoré les sensations, les sentiments, les émotions... tous les messages et signaux émis par mon corps pour satisfaire des besoins pour le moins confus. J'ai fait l'autruche et les années ont passé.

À plusieurs centaines de mètres du chêne, la foule hurla. Tous les participants du tournoi s'étaient rassemblés autour du terrain qui accueillait la finale, à l'exception de quelques enfants et jeunes adultes profitant des rectangles verts inoccupés pour se divertir à leur façon avec le ballon rond. Eris écoutait attentivement sa petite amie, avec le plus d'empathie possible.

— Depuis deux semaines, j'ai compris que je ne pouvais plus continuer ainsi. En te rencontrant et en apprenant à te connaître, j'ai développé des sentiments à partir d'émotions tellement fortes... qu'elles ont éclaté la bulle dans laquelle je m'étais réfugié. Je dois l'admettre, Eris... c'est exaltant. Euphorisant. Je suis désolée d'être aussi perdue, pommée sur le plan relationnel. J'ai peur de plusieurs choses. J'ai peur de ne pas être à la hauteur. J'ai peur de ne pas te satisfaire. J'ai peur de ne pas te convenir. J'ai peur de te perdre et de plus pouvoir vivre tous ces moments passés à tes côtés.

Eris l'embrassa à de nombreuses reprises dans le cou et lui murmura à l'oreille d'une voix douce.

— On va travailler ensemble pour combattre nos peurs.

* * *

Dans le couloir des vestiaires, toutes les portes peintes en bordeaux comportaient une pochette plastique avec une simple feuille blanche A4. Régulièrement, on pouvait lire la mention « Libre » inscrite au marqueur vert pour indiquer que la salle n'était pas, ou plus, réservée. À l'inverse, le mot « Occupée », en rouge, se révélait tout aussi explicite et conviait les joueuses des autres équipes à se trouver un autre endroit pour se changer.

Eris et Mona se trouvaient désormais dans le vestiaire occupé initialement par l'équipe défaite en quart de final. Les coéquipières d'Eris n'avaient pas traîné après leur élimination, si bien que deux heures plus tard, la voie était libre et le risque d'être dérangé relativement faible.

Il y avait toujours un risque, évidemment. L'affichage réversible de fortune, installé uniquement à des fins informatives, n'empêchait personne d'actionner la poignée et de pénétrer dans un endroit intime au cœur du complexe sportif. Bien entendu, on comptait sur la civilité et le respect de chacun pour éviter toute intrusion, excès de curiosité ou encore farce de mauvais goût. Il aurait été beaucoup plus simple d'ajouter un verrou à chaque porte, tout le monde en était conscient, mais les mesures de sécurité décourageaient fortement l'ajout d'un tel dispositif à quelques exceptions près.

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