Don du Ciel

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Deux étrangers sont surpris par l'orage.
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" Mon père, pardonnez-moi mes péchés. "

Le jeune prêtre hésita un instant, incertain de l'attitude à adopter. On l'avait envoyé ici, dans ce village perdu, pour prendre en charge la paroisse de ce vieillard. Les hommes qui l'avaient emmené jusqu'ici attendaient le vieux prêtre pour repartir. Ils avaient ordre de ne pas quitter les lieux sans lui, de le transporter immédiatement à l'hôpital du centre urbain le plus près, où il pourrait recevoir les soins que sa condition nécessitait. Le vieillard se refusait catégoriquement à quitter son logis et le jeune prêtre ne savait s'il devait employer la force ou attendre du renfort en la personne de l'évêque.

" Refuseriez-vous d'entendre la confession d'un homme au seuil de la mort? "

" Si vous acceptiez de vous rendre à l'hôpital mon père, l'évêque lui-même pourrait vous confesser dès ce soir. "

" Il est un péché, jeune homme, que je n'ai jamais confessé. Un péché commis il y a longtemps, un péché qu'un homme d'église n'a pas le droit de commettre. Un péché que j'ai gardé pour moi toutes ces années, comme un trésor que l'on enfouie là où personne ne le cherchera. Un péché que je suis incapable de regretter, en partie parce que c'est lui qui m'a mené ici, dans ce village, il y a si longtemps. C'est à vous que je désire m'en confesser, à vous qui prendrez ma relève ici. "

Le jeune prêtre, que l'impatience gagnait pourtant, hésita encore. Il n'était pas dans sa nature de forcer la main à qui que ce soit. S'il se pliait aux souhaits du vieillard et écoutait sa confession, peut-être celui-ci se montrerait-il raisonnable et accepterait de coopérer. Avec un soupir résolu, il approcha une chaise du lit où reposait le vieillard et se prépara à entendre sa confession.

" Demandez qu'on nous apporte du thé et des biscottes, voulez-vous? "

Devant l'air interrogatif du jeune prêtre, le vieillard ajouta :

" Un péché qu'on a gardé pour soi toute une vie ne se confesse pas en deux minutes. "

Secouant la tête avec réprobation le jeune prêtre s'exécuta pourtant. Ce n'est qu'une fois bien installé auprès de l'âtre où brûlait un feu réconfortant, le thé en main que le vieillard entama son récit :

***

C'est à ma demande qu'on m'a envoyé dans ce pays, vous savez. J'étais encore tout jeune lorsque je suis arrivé, idéaliste jusqu'au bout des ongles, armé d'un foi que je croyais alors inébranlable et d'un bagage académique plus que respectable. Je voulais changer le monde, répandre la foi, aider mon prochain. Tous ces beaux idéaux qu'on m'avait enseignés dès la plus tendre enfance, je voulais les mettre en oeuvre. Je voulais participer à bâtir un monde meilleur, j'étais persuadé d'avoir en main tous les outils qu'il fallait pour le faire. Quelques années seulement ont suffi pour briser mes illusions, pour me faire courber l'échine devant l'énormité de la tâche, pour que s'agite en moi une sourde révolte face aux injustices de ce monde.

Au moment qui nous intéresse, encore pourtant jeune, j'étais déjà un homme brisé. La triste réalité avait frappé de plein fouet mon idéalisme, l'avait réduit en miettes. Il n'en restait que quelques fragments, qui remontaient à la surface de temps à autre, comme des relents d'espoir auxquels on s'accroche pour ne pas périr noyé. Ma foi vacillait. L'image du Dieu aimant et bienveillant auquel j'avais cru s'était effritée devant les injustices dont j'avais été témoin. Comment ce Dieu pouvait-il permettre autant de souffrance inutile?

Ne croyant plus à ma mission, ne voyant pas comment je pouvais répandre une foi que j'avais peine à maintenir en moi-même, j'avais demandé à être remplacé. Ce jour là, celui qui nous intéresse, je me trouvais sur la route, mon remplaçant ayant pris ma relève le matin même. Je roulais en direction de l'évêché pour y remettre ma démission. J'étais bien décidé à quitter l'église. Je n'avais aucun autre projet, aucune idée de ce que j'allais bien pouvoir faire de ma vie. Depuis ma petite enfance je n'avais rêvé que d'être prêtre et de répandre le bien, l'amour et la bonne nouvelle autour de moi. Perdu dans mes pensées, bercé par mes déceptions, je faillis percuter la jeune fille qui gesticulait en plein milieu du chemin de terre. Nullement effrayée, elle s'approcha de la portière.

" Vous allez direction de la grande ville, oui? "

Je hochai la tête, pensant tristement qu'elle irait probablement vite rejoindre les mendiantes dans la rue ou se trouverait réduite à vendre ses charmes pour survivre comme des centaines d'autres avant elle. Je me souviens avoir eu envie, un court instant, d'appuyer sur l'accélérateur, de la laisser là derrière moi au milieu du chemin, simplement pour ne pas contribuer à sa perte.

" Vous emmener moi. Mon village sur la route, je retourner chez parents. "

Son ton était plus une affirmation qu'une question. Je me souviens encore du soulagement ressenti parce qu'elle ne se rendait pas à la ville. J'ai du la gratifier d'un sourire niais.

" Bien sûr! Allez, montez. "

Elle était tout à fait charmante, de grands cheveux noirs, des yeux également d'un noir profond, des yeux mystérieux qui s'allumaient, semblaient prendre vie au rythme de ses paroles. Elle maîtrisait assez bien le français, quoique l'habillant d'un accent chantant et le dénudant d'un mot ici et là. Elle portait dans son dos un instrument à cordes, un charengo. Elle surpris mon regard posé sur l'instrument.

" Vous aimer musique? Oui? "

" J'aime beaucoup la musique. "

" Alors moi jouer pour vous. Vous conduire, moi jouer et chanter pour remercier. "

Je fus surpris de l'entendre entamer un chant religieux. La surprise dut s'afficher sur mon visage puisque lâchant l'instrument d'une main, elle pointa vers son cou, faisant référence à mon col et me gratifia d'un généreux sourire. Charmante, elle était tout simplement charmante et elle avait la voix d'un ange. N'ayant que très peu eu l'occasion de me trouver seul en compagnie d'une jeune femme et ne sachant de quoi j'aurais bien pu lui parler, j'étais soulagé qu'elle ne cherche pas à faire la conversation, se contentant de gratter son instrument et de chanter.

Lui ayant demandé quelques renseignements sur son village, j'avais calculé que nous devrions y arriver environ vers le repas du soir, ce qui me laissait amplement le temps d'atteindre ma propre destination avant la nuit. Il en fut pourtant tout autre. Au milieu de l'après-midi le bleu du ciel s'était voilé et, ce qui avait d'abord été une douce pluie, s'était vite transformé en un orage violent. Les routes en ce temps là n'étant pas ce qu'elles sont aujourd'hui, alors à peine un chemin de terre, je du m'arrêter à plusieurs reprises pour pousser le véhicule, dont les roues s'était embourbées, pendant que ma compagne de route prenait le volant. Non seulement nous prîmes énormément de retard sur l'horaire prévu mais la route étant devenu impraticable, nous dûmes à un certain point nous résigner à nous arrêter. Je me souviens, comme si c'était hier, non seulement de mon malaise à devoir passer la nuit dans l'étroit véhicule chargé de tous mes avoirs mais, en plus, de devoir la passer en compagnie d'une jeune femme. Cela m'apparu tout à fait inconvenant toutefois la situation de me laissait guère le choix.

" Viens. Je connais refuge. "

Sa voix me tira brusquement de mes réflexions. Je fus surpris qu'elle puisse se repérer dans ses conditions, la nuit était tombé et le rideau de pluie était si dense que nous pouvions à peine voir à deux mètres devant, de plus j'hésitai à quitter l'abri sec et étanche du véhicule.

" Viens, je te dit. Trop froid ici la nuit, nous pouvoir faire feu là-bas, tout près. "

Je me rendis compte que je frissonnai déjà, mes habits ayant été trempés lors de mes efforts pour nous sortir des bourbiers où le véhicule s'était enlisé à plusieurs reprises. Bien sûr, j'avais des vêtements secs dans ma valise mais je m'imaginais mal me changer sous le regard curieux de la jeune femme qui était ma compagne d'infortune. À regret, ne sachant si je prenais la bonne décision, je me décidai pourtant à la suivre, abandonnant l'idée d'emporter des vêtements de rechange qui de toute façon auraient été trempés en l'espace de quelques secondes. Si elle disait vrai, admettant que ses repères géographiques soient justes, je pourrais de toute façon me sécher en me réchauffant près du feu d'ici peu.

Je m'aventurai donc derrière elle dans le déluge qui se déversait, apparemment intarissable. Elle me conduisit par la main, fermement, et je me laissai entraîner ainsi, réalisant que sans ce contact j'aurais eu tôt fait de la perdre de vue. Même dans ces conditions pourtant, ce contact me troublais, alors que j'aurais du ne penser qu'à mettre un pied devant l'autre sans m'empêtrer dans un obstacle ou glisser sur le sol détrempé, mon attention dérivait sans cesse vers la sensation de sa main si chaude, si menue, dans la mienne. J'étais tout près de lui demander de rebrousser chemin lorsque enfin mes pieds rencontrèrent une surface qui n'était pas glissante. Je m'aperçu, non sans surprise, que tel que promis elle nous avait bel et bien conduit vers un refuge.

" Je fais lumière. Toi attendre. "

L'obscurité se dissipa au bout de quelques minutes. Elle tenait à la main une torche rudimentaire qu'elle inséra dans un support à même la paroi rocheuse. Je fus étonné de découvrir que nous nous trouvions dans une sorte de grotte.

" Ici abri des bergers. Parfois eux devoir passer nuit ici alors toujours laisser bois, allumettes et couvertures. "

" Et, comment as-tu connu cet endroit? "

" Frère berger, parfois lui emmener moi quand toute petite. Moi faire feu maintenant."

Sans plus attendre, elle s'exécuta. Un cercle rudimentaire était aménagé à même le sol, des pierres en délimitaient la périphérie. Quelques pierres plus grosses étaient disposées tout autour de ce cercle, j'assumai qu'elle devait servir de sièges. Dès que le feu fut allumé, elle s'empressa d'éteindre la torche, devenu inutile, avant de la reposer dans son support. Puis se dirigea vers une espèce de sac en toile suspendu à un crochet dans le fond de l'abri. Elle en extirpa des couvertures et m'en tendit deux en ajoutant :

" Enlever vêtements, faire sécher sinon tomber mal. Pas regarder. "

Elle me fit signe de me retourner et me tournant elle-même le dos entreprit de se déshabiller. Je restai saisi, figé sur place, incapable de réagir. Fasciné, je regardai apparaître cette peau d'apparence soyeuse. Je sentis une douce chaleur se répandre en moi et suivit des yeux la courbe qui menait de son dos à sa croupe. Ce n'est que lorsqu'elle s'enveloppa dans une des couvertures qu'elle avait conservées pour elle-même que j'eu la présence d'esprit de me retourner avant qu'elle s'aperçoive de mon délit.

" Pourquoi toi garder vêtements? Toi tomber mal si pas enlever. "

Je me tournai pour découvrir un visage inquisiteur, légèrement renfrogné devant ma désobéissance.

" Tomber malade, tu veux dire. Et non, je ne serais pas malade, je vais me sécher auprès du feu, mes vêtements seront secs en un rien de temps. "

Non seulement je ne l'avais pas convaincu mais je vis la prémisse d'une colère étendre son ombre sur ses traits angéliques. C'est d'un ton autoritaire qu'elle me déclara :

" Toi enlever vêtements maintenant. Je compter jusqu'à vingt et si toi pas enlever moi le faire pour toi. "

Avec un air déterminé où perçait l'indignation face à mon obstination elle me tourna le dos et commença à compter.

" Une... deux... trois... "

" D'accord, d'accord. Ce n'est pas la peine de compter, j'enlève tout. Attends, ne te retourne pas, je te dirai quand. "

Vaincu par sa détermination, je me débarrassai de mes vêtements et m'enveloppai dans une des couvertures qui sentait légèrement l'humidité mais qui était bel et bien sèche. Elle étendit ses vêtements sur les pierres disposées autour du feu, m'intimant d'un geste de faire de même des miens. Elle tira ensuite de sa besace quelques morceaux de viande séchée ainsi que des fruits dont nous fîmes notre maigre repas. Le feu diffusait une chaleur bienfaisante. L'orage était assourdissant. Un bruit tel envahissait la grotte qu'il eut été bien inutile d'essayer de converser, ce qui d'ailleurs, à mon avis, n'était pas un mal. Les murs de roches grises n'offraient aucun asile où poser les yeux, aucun échappatoire qui puisse expliquer une contemplation quelconque. Mon regard, constamment, retrouvait le chemin de cette jeune femme et même si le silence ne pouvait se faire entendre, sa présence était tangible. Une jambe menaçait de s'échapper de sa couverture, j'en apercevais le dessin à la commissure. Derrière, dans l'ombre, la promesse à peine dessinée d'une courbe.

La lueur du feu dansait sur sa peau, y créant des jeux d'ombres qui alimentaient mon imagination. Je détournai le regard, en colère contre moi-même, surpris de me trouver si faible, moi qui jamais n'avais été sérieusement tenté par les désirs charnels. Bien sûr, à quelques reprises, dans des instants de faiblesses, il m'était arrivé d'user d'attouchements interdits, mais toujours j'avais fait pénitence et jamais je n'avais posé les yeux sur une femme de façon inconvenante. J'eus, un instant, la ridicule impression qu'elle devait être une tentation envoyée par le Malin mais chassai bien vite cette idée saugrenue. Pourquoi le diable aurait-il perdu son temps à tenter un homme qui avait déjà décidé d'abandonner la soutane, de quitter à jamais la vie ecclésiastique? Bien sûr tant que je n'avais pas quitté officiellement j'étais lié par mon voeu de chasteté mais j'aurais fait un bien maigre trophée.

Ma propre nudité sous la couverture m'incommodait. Je jetai un coup d'oeil à mes habits encore trempés; impatient de m'y camoufler à nouveau, comme si ces guenilles pouvaient me protéger de la tentation. Je sentais son regard posé sur moi. J'avais l'inconfortable impression que ses yeux scrutateurs pouvaient mettre mon âme à nu. Pour me donner une contenance, je ramassai une branche que j'utilisai comme un tisonnier. N'avait-elle donc aucune retenu? Ne voyait-elle pas que son examen me perturbait? Je sentis l'exaspération gronder en moi. J'étais irrité par celle qui s'arrogeait tout naturellement le droit de me détailler ainsi, mais mon courroux ciblait avant tout moi-même. Je m'acharnai à remuer les braises, à attiser avec vigueur le feu qui n'en avait nul besoin. Croyais-je donc qu'alimenter le feu qui nous réchauffait, étoufferait celui qui menaçait de s'embraser dans le bas de mon ventre?

Je risquai un coup d'oeil dans sa direction. La tête légèrement inclinée vers l'épaule gauche, dans une attitude empathique, elle m'observait toujours. Une légère ride, indice d'un questionnement, marquait son front. Elle plongea son regard dans le mien et me sourit doucement. Un de ces sourires où la joie est remplacée par la compréhension, l'acceptation. Elle se leva. Aux aguets, je la vit s'avancer vers moi. Elle se mit à genoux devant moi, face à face, à quelques centimètres à peine, tout près, assez pour l'entendre, sentir son souffle. Elle me dit :

" Toi besoin amour. Moi donner. "

Je fus bouleversé. Tout paraissait si simple pour elle; là où il y avait un besoin, il suffisait de le combler. Je n'eus même pas le réflexe de lui opposer la moindre résistance lorsqu'elle posa ses lèvres sur les miennes. J'étais déjà vaincu. Besoin d'amour, oui. J'étais vidé, il s'était écoulé lentement, goutte à goutte, avec l'espoir et la foi, à mesure que j'étais témoin de l'absurdité de ce monde, à mesure que mon inutilité s'imposait à moi, grugeant l'homme que j'avais eu espoir être. Besoin d'amour, comme une outre percée, impossible à combler.

C'est avec légèreté que ses lèvres, comme un papillon, se posèrent sur les miennes. Butinant en une série de baisers avant que sa langue ne se fraie un chemin, ne vienne récolter le nectar. Sous l'influence de cette caresse onctueuse je sentais fondre en moi mes dernières résistances. Lorsqu'elle posa sa main sur ma poitrine quelque chose pourtant s'insurgea. Je me rappelai mon rôle, ma fonction. Je la repoussai, délicatement, secouant la tête, tentant de me ressaisir. Le regard que je posai sur elle à ce moment dut être suppliant. Elle posa sa main sur ma tempe, la caressant tendrement du pouce et me regardant me dit simplement :

" Toi prendre. "

Le barrage céda. Ce fut moi, qui repoussai la couverture, moi qui dénudai cette épaule toute en rondeur. Ce fut moi le coupable. Elle, n'avait qu'offert. Je succombai, m'emparai de cette peau couleur de terre et de lumière. Je frottai ma bouche sur cet or satiné laissant ma lèvre inférieure traîner, savourer les reliquats épargnés, s'attarder sur une courbe. Je laissai mes mains glisser, suivre les pentes, les vallées du corps qui s'offrait, s'extasier des oasis rencontrés. J'oubliai qui j'étais, ce que je représentais. Goulûment je voulu d'abord tout goûter, tout explorer. Puis me trouvai soudainement désemparé devant tant de splendeurs, tant de merveilles inconnues, comme celui qui ayant trouvé le coffre aux trésors s'inquiète de l'obstacle que représente la serrure. Rempli d'espoir, je levai les yeux vers mon initiatrice en quête de quelques indications.

Elle enlaça mon cou d'une main et, d'une légère pression, guida mon visage vers sa poitrine. Je détaillai cette offrande, dressée fièrement. Sa douce rondeur où les ombres, nées de la lueur du feu, avait entamé une danse frénétique. Le sommet, érigé, m'interpellait avec défiance, provocation. J'approchai mes lèvres de ce mamelon nourricier. Elles s'y fixèrent comme si elles en avaient conservé le souvenir, comme si hier encore elles en avaient tiré leur subsistance. Gourmandes. Insatiables. Ses mains sur ma poitrine, ses doigts sur mes mamelons, m'indiquèrent la voie. Cheminant entre tendresse et cruauté, imposant de caressantes atrocités, soudoyant de brutales câlineries. Je me livrai à cette douce torture, la subissant, la chérissant, l'infligeant. Mon corps, ma peau, matériaux dont elle érigeait un hommage aux sensations. Fragile construction.

Immobile, je la regardai avancer son visage vers mon érection. Honteux, réticent, affamé de ce contact. Ma pudeur et mon désir, enchevêtrement dont je n'arrivais pas à démêler les fils. Le vent, déchaîné, s'engouffrait violemment dans la caverne, habillant ma nudité de frissons. Le souffle de ma compagne, chaude brise, une caresse sur ma peau. J'observai mon sexe s'enfoncer au fourreau de sa bouche, sentit les parois se refermer sur moi, m'emprisonner. Je me mis à trembler. Orphelin égaré en territoire inconnu. Mes sens surchargés, le flot de mes émotions menaçant de m'engouffrer, un murmure, un appel, un cri grandit en moi pour aller se perdre dans le vacarme des éléments déchaînés. Libérateur. Le tumulte de la nature miroir de mon âme. Je fus désemparé lorsqu'elle retira sa bouche, me laissant chancelant au bord de l'assouvissement. Avec un sourire, elle me dit :

" Moi, maintenant! "

Elle baissa les yeux sur son entrejambe, mon regard suivit le sien. Je l'observai promener un doigt entre ces autres lèvres, avide de découvrir ce qu'elles protégeaient. Elle retira finalement sa main, la haussant au niveau de mes yeux. Je regardai ce doigt enduit de ses sécrétions, fasciné. Elle le posa sur mes lèvres, en tartina la surface. L'odeur musquée m'étourdit. Les yeux fixés sur les siens j'entrouvris la bouche, sentis son doigt, cet intrus, s'y glisser. Je le suçai lentement, découvrant avec curiosité les saveurs se diffusant sur ma langue. Elle me sourit avant de retirer son doigt. J'en profitai pour me lécher les lèvres, me délectant de ce lait nouveau. Un éclair espiègle animant ses yeux, elle s'appuya sur un coude et écarta les jambes, exhibant ces mystères interdits.

" Toi vouloir goûter encore? "

Je contemplai ces lèvres avides qui appelaient mes caresses. Fier et confus à la fois. Gonflé d'orgueil devant l'enchanteresse qui désirait mes caresses, dans le doute quant à mon habileté à les prodiguer. Je pris une grande inspiration et avançai la main, écartai les grandes lèvres, détaillai l'offrande. Je m'avançai. J'embrassai cette fleur à pleine bouche, ma langue en découvrait les creux et les contours inconnus. J'écartai doucement ses pétales de mes doigts pour en arroser la corolle de mes baisers, me barbouillant les joues de ce miel, y plongeant mon nez, ivre de son parfum. J'entendis son rire cristallin résonner à travers le brouillard d'extase qui m'enveloppait.

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